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Saison 1 - Episode 3

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Délit en slavistique

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   La bibliothèque universitaire est plongée dans une semi-obscurité ce lundi soir. Dehors, la bruine scintille dans les triangles jaunes découpés par la lueur des lampadaires sur le béton mouillé. À l’intérieur, l’unique source de lumière provient d’une table de lecture dissimulée par trois parois en bois qui facilitent la concentration de ses utilisateurs. Sous le faisceau de la lampe de chevet, Nina Dalambert s’endort sur une pile de revues psychologiques.

   Cela fait déjà deux mois que la rentrée est derrière elle et Nina sent que la charge de travail s’alourdit. Elle a deux rapports à rendre pour fin novembre et des examens préparatoires à réviser pour début décembre. Comme on l’avait prévenue le jour de la reprise, cette première année ne serait décidément pas de tout repos.

   La jeune fille a déjà passé le week-end entier à travailler et elle se retrouve à nouveau à faire la fermeture de la bibliothèque. Elle regarde l’heure sur son téléphone : 0h12. Cela fait plus d’une heure que les derniers étudiants ont quitté les lieux et que la bibliothécaire de garde l’a sermonnée :

   - Vous devriez rentrer chez vous, jeune fille. Il est déjà tard.

   - Je sais, merci, avait rétorqué Nina. Je ne vais pas faire long, je veux juste terminer ce chapitre.

   - N’oubliez pas d’éteindre toutes les lumières en partant et de vérifier que la porte se ferme bien derrière vous.

   - Oui… comme d’habitude.

   Un des nombreux avantages qu’offre son boulot d’étudiante au bureau des plaintes de l’Université est d’avoir libre accès vingt-quatre heures sur vingt-quatre à tous les bâtiments du campus, y compris la bibliothèque.

   Nina jette un œil à ses messages :

21:11 J’ai fait de la soupe à la courge pour dix personnes.

21:12 Michaël n’aime pas la soupe. T’en veux ?

Un rictus se dessine sur les lèvres de la jeune femme. Simon, son frère, a tendance à cuisiner pour un régiment. Heureusement, c’est un véritable cordon-bleu, ce qui arrange bien Nina.

21:58  Alors ??

22:07 Bon, je t’en laisse demain dans le frigo du bureau.

22:23 Bonne nuit sister

23:16  Ne travaille pas trop tard non plus…

   Elle décide de ne pas répondre, sinon son frère lui ferait la morale le lendemain en voyant qu’elle n’était toujours pas couchée à minuit passé.

   Nina s’apprête à ranger ses revues et à plier bagages lorsqu’un bruit sourd stoppe net ses mouvements. Elle tend l’oreille et se redresse pour observer la salle de travail. Les néons du plafond se sont éteints automatiquement à vingt-trois heures et la jeune fille n’a pas eu le courage de se lever toutes les quinze minutes pour appuyer sur le bouton. Un froissement, cette fois, lui fait tourner la tête. Plus aucun doute, cela vient de l’intérieur de la bibliothèque, quelque part entre les rayonnages.

   Nina est comme pétrifiée. Si un employé était venu à cette heure tardive faire des recherches, elle aurait entendu le bip de sa carte magnétique dans le lecteur de l’entrée et il aurait volontairement allumé les lumières. Si un étudiant était resté travailler comme elle après la fermeture, la bibliothécaire l’aurait avertie. Le service de nettoyage passe entre six et sept heures le matin, le service de livraison pas avant dix heures. Toutes les options volètent dans le cerveau de la jeune fille. Toutes aussi invraisemblables les unes que les autres. Mais alors d’où viennent ces bruits ?

   Dans un réflexe, Nina agrippe son portable et éteint la lampe de bureau. Dès lors, c’est le noir complet dans la bibliothèque. À sa droite, la fine pluie continue de tapoter les vitres. Nina quitte sa cachette et fait quelques pas discrets en direction de la sortie. Devant elle, une enfilade de tables de travail, de chaises, de corbeilles à papier. Autant d’obstacles à franchir.

   C’est alors que des flashs attirent l’attention de son œil gauche. La jeune femme se plie sur ses genoux pour éviter que sa silhouette ne se découpe sur les fenêtres. À quatre pattes, elle décide d’avancer prudemment vers les rayons qui occupent toute la partie gauche de la pièce. Des chuchotements se rapprochent de sa position. Elle se recroqueville dans un coin. Même en retenant sa respiration, Nina n’arrive pas à distinguer ce que les voix disent, mais elles confirment qu’au moins deux personnes se sont introduites dans la bibliothèque.

   Une lampe torche balaie le sol à quelques mètres derrière elle. Nina fixe les ouvrages sur le rayon le plus bas qui lui fait face : Joyce Carol Oates, George Orwell, Edgar Allan Poe. Elle en déduit qu’elle se trouve dans la section littérature anglophone, à peu près à mi-chemin de la sortie, si ses souvenirs sont bons. Alors il ne lui resterait plus qu’à passer la porte coulissante à l’aide de son badge. Impossible d’y arriver sans se faire remarquer. Elle n’a plus qu’à attendre en silence qu’ils s’en aillent et elle pourra faire de même.

   Les individus semblent s’être arrêtés deux rayonnages plus loin, dans son dos. Nina se redresse lentement et retire un ouvrage du rayon pour se dégager une vue. Deux personnages encapuchonnés sont agenouillés près du sol et font glisser leur doigt sur les étiquettes des livres, comme le ferait n’importe quel étudiant à la recherche d’un livre précis.

   - Ça y est, je l’ai, murmure celui de droite, en extirpant une couverture noire.

   - Parfait, on se casse, se presse le second.

   Tout à coup, l’écran de téléphone que Nina a posé par terre s’allume affichant un réveil. La jeune fille le saisit et presse le bouton d’arrêt tout en fourrant l’appareil dans sa poche de veste. Par sécurité, elle l’avait enclenché au cas où elle s’endormirait pendant son travail. Une faible petite musique a tout de même eu le temps de chouiner, attirant le faisceau de la lampe torche dans sa direction. Avec l’agilité d’un ninja super entraîné, Nina se glisse sous une table de travail et tire doucement la chaise pour dissimuler sa présence.

   Deux jeux de jambes passent à quelques centimètres d’elle, puis s’arrêtent :

   - Je suis sûr d’avoir entendu une musique…

   - Laisse tomber, on y va, insiste-t-on.

   Nina attend encore une bonne dizaine de minutes après leur départ pour s’assurer qu’elle peut sortir sans crainte de sa cachette. Ses genoux s’entrechoquent jusqu’à la porte coulissante qu’elle passe en courant, sans se retourner. Heureusement, elle n’a que quelques pas à faire pour atteindre la résidence Elsa Cameron et retrouver la sécurité de sa petite chambre d’étudiante.

   Derrière elle, elle ferme le verrou à double tour. Sa respiration est courte et un filet de sueur coule dans son dos. Elle n’a ni le courage, ni le cran de ressortir prendre une douche dans la salle de bain commune. Elle s’affale sur son lit et sombre gentiment dans un sommeil comateux.

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   Michaël Fassnacht remplit son bol de céréales à ras bord avant de les noyer dans une rasade de lait. Cela crunche, craque, crisse tellement sous ses dents qu’il n’entend pas Simon entrer dans la pièce.

   - Mic !

   - Hein ? mâchonne-t-il la bouche pleine.

   - T’aurais pu me réveiller ! C’est déjà huit heures trente et j’ai cours dans quinze minutes !

   - Et comment je suis censé savoir ton horaire ?

   - Parce qu’il est épinglé sur notre tableau d’affichage dans le couloir, tiens !

   Simon ouvre le frigo pour prendre une poire et une bouteille d’eau. Il se frotte les yeux, encore à moitié endormi.

   - Bon, je file. À cet après-midi !

   - On a un tableau d’affichage ? s’interroge Michaël.

   Simon rejoint le campus à grandes enjambées. Le soleil qui se lève contre la façade est de l’Union laisse filtrer un pâle halo derrière une barrière de nuages. Le jeune homme jette un œil à sa montre : 8h43, son cours de cryptographie et sécurité commence dans deux minutes. Il coupe à droite et se met à trottiner en passant devant la résidence pour garçons John Cameron.

   Le département des sciences informatiques se situe tout au nord du site, dans un complexe récent fait de verre et de métal qui contraste    grandement avec les anciens bâtiments en briques orangées. Construit en réponse au nombre grandissant d’inscriptions, on y trouve tout l’équipement hightech nécessaire à la formation des futurs informaticiens, programmeurs, concepteurs et autres analystes.

   Son professeur est sur le point de refermer la porte de la salle lorsque Simon débouche dans le couloir.

   - Juste à l’heure, monsieur Dalambert, lui fait-il remarquer.

   - Excusez-moi, panne de réveil, s’essouffle Simon.

   La cinquantaine d’étudiants présents dans la salle ont pour la plupart déjà installé leur ordinateur et pianotent sur leur smartphone.

   Simon trouve une place libre au premier rang, à côté d’une fille aux cheveux décolorés, et s’installe rapidement. Alors que le professeur rejoint l’estrade, au milieu d’un enchevêtrement d’appareils, d’écrans et de câbles de toutes tailles, Simon parcourt ses messages. Un en particulier retient son attention. Il vient de Nina :

 7:43 J’ai été témoin d’un vol à la bibliothèque hier après minuit. Deux gars sont entrés par effraction ! Je n’ai pas vu leur visage mais je vais aller prévenir la bibliothèque dès l’ouverture. Rejoins-moi dès que tu vois ce message !

   Une vague de chaleur enflamme soudainement la poitrine de Simon. L’idée d’imaginer sa petite sœur seule la nuit dans une bibliothèque avec deux cambrioleurs lui donne la nausée. Il relit plusieurs fois le message, ne sachant que faire. Finalement, incapable de fixer autre chose que l’écran de son téléphone, il remballe ses affaires et sort de l’auditoire en prétextant à mi-voix une urgence familiale.

   Traversant le campus en sens inverse pour rejoindre la bibliothèque qui se trouve dans l’aile sud de l’Union, Simon note intérieurement qu’il faudra qu’il passe s’excuser auprès de son professeur et qu’il rattrape le contenu de ce cours.

 

*

 

   - C’est elle ! s’écrie la bibliothécaire en pointant Nina du doigt.

   Trois visages défiants pivotent dans la direction de la jeune femme qui arrive au comptoir d’accueil. Le responsable des lieux tente de calmer son employée tandis que l’assistante administrative observe la scène à l’écart :

   - Attendez, Mme Brun, il doit sûrement y avoir une explication. Laissez cette jeune personne s’exprimer.

   - Ce n’est pas moi qui ai volé ce livre, je le jure, se défend Nina. Mais j’ai vu ceux qui l’ont fait.

   La bibliothécaire secoue son double menton mal dissimulé par un gros collier de perles. Elle a la cinquantaine, un look frais et bienveillant avec ses chemisiers fleuris ou colorés qui camouflent une autorité de militaire aguerri. Nina l’aurait bien vu travailler comme cuisinière dans une colonie de vacances ou animatrice dans une prison. Mme Brun fait partie de ces personnes qui savent se faire respecter sans se faire détester. Une main de fer dans un gant de velours, comme on dit. Finalement, elle n’est pas si mal à sa place à l’accueil d’une bibliothèque universitaire.

   - Quoi ?! s’exclame-t-elle. Mais de quel livre parlez-vous ? Quel vol ?

   - Attendez… hésite Nina. Ce n’est pas de ça que vous m’accusez ?

   Face à cette incompréhension, le responsable décide d’intervenir :

   - Mme Brun est venue me rapporter ce matin qu’elle a trouvé une fenêtre ouverte au fond de la bibliothèque. Elle m’a dit vous avoir vue hier soir et vous avoir expressément demandé de tout fermer et éteindre avant de partir. Voilà pourquoi elle est dans cet état.

   Alors que Nina considère ces nouvelles informations, Simon fait une entrée fracassante à l’accueil et agrippe sa sœur :

   - Nina, mon dieu, tu n’as rien ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi tu ne m’as pas appelé hier soir ?

   - Ça va… ça va. J’ai eu peur sur le moment, mais je n’ai rien. Je crois comprendre le déroulement des événements.

   La jeune fille se tourne à nouveau vers le comptoir.

   - C’était peu avant minuit et quart, hier. J’allais quitter la bibliothèque en ayant vérifié les lumières, les portes et les fenêtres comme Mme Brun me l’avait demandé, explique-t-elle sur un ton exagéré. Lorsque j’ai entendu des bruits. Comprenant que je n’étais pas seule, j’ai rapidement éteint ma lampe et je me suis cachée. Deux personnes, des hommes, ont dû s’introduire par une fenêtre laissée entrouverte. Ils avaient des capuchons et une lampe torche. Ils étaient à la recherche d’un épais livre noir qu’ils ont mis dans un sac à dos avant de ressortir par là-même où ils étaient entrés.

   La bibliothécaire met une main devant sa bouche et jette un regard effrayé à son assistante.

   - Quelqu’un a osé voler un livre en pleine nuit ?

   - Mais ils ne t’ont pas fait de mal ? s’inquiète Simon, en ignorant la remarque de l’employée.

   - Non, ils ne m’ont pas vue, mais je dois pouvoir vous indiquer où ils se trouvaient.

   - Avec l’emplacement, on pourra trouver la référence et savoir de quel ouvrage il s’agit.

   Mme Brun s’empare d’un bloc de post-it et d’un crayon, et lance solennellement :

   - Montrez-nous !

   Le petit groupe suit Nina dans les travées d’étagères. L’espace de travail est parsemé de quelques lève-tôt qui ne les remarquent même pas. Ils ralentissent en arrivant près de la section littérature anglophone. Nina est très concentrée et compte les rayonnages.

   - C’est là, annonce-t-elle, en s’arrêtant net.

   D’un geste du menton, elle pointe le rayon du bas. Le responsable s’approche :

   - Section slavistique.

   Simon fronce les sourcils. Voilà un mot qui n’est pas à son répertoire, mais il n’ose pas interrompre le suspense du moment pour demander sa signification.

   L’assistante s’agenouille et extirpe une lourde couverture noire qu’elle tend à Nina.

   - Vous voulez parler de ce livre-là ? questionne la bibliothécaire.

   Nina n’en croit pas ses yeux. Il correspond en tout point au volume qu’elle a vu disparaitre il y a quelques heures de cela.

   - Oui… bredouille-t-elle. Mais… euh… je ne comprends pas.

   - J’avoue que moi non plus… raille le responsable.

   L’assistante note tout de même les cotes et part vérifier s’il ne manque pas un exemplaire. Nina soupèse le livre, l’air songeur, le feuillette, examine son épaisse couverture. Avec ses caractères cyrilliques dorés, il n’y a pas de doute, c’est celui-ci.

   - Je confirme, il ne manque rien, certifie l’assistante.

   Mme Brun soupire de soulagement :

   - Tant mieux. Alors si ça ne vous dérange pas, je vais retourner à mon comptoir.

   Le responsable lui emboîte le pas.

   - Elle aurait inventé cette histoire pour couvrir l’erreur de la fenêtre ouverte ? chuchote-t-il.

   La bibliothécaire lève les bras au ciel. Nina secoue la tête :

   - Je suis pourtant tellement sûre…

   Simon pose une main sur l’épaule de sa sœur :

   - En même temps, il était tard, il faisait nuit et tu étais épuisée. Peut-être que ça t’a joué des tours ?

   - Peut-être…

   La jeune fille tourne le livre qu’elle tient toujours entre ses mains et passe ses doigts sur la couverture. Au bas de la tranche, une étiquette rose indique la cote : RY19-16.

   - Pourquoi aurait-on voulu voler ce livre ? interroge rhétoriquement Simon.

   - C’est un exemplaire uniquement consultable sur place. On ne peut pas l’emprunter, constate Nina.

   - Comment tu le sais ?

   - L’étiquette est rose. C’est un code couleur : blanc pour les prêts de trois semaines, jaune pour une semaine et…

   - Rose pour non empruntable.

   - Exactement, tu comprends vite pour quelqu’un qui n’utilise jamais la bibliothèque, raille la jeune femme.

   Simon grimace à sa remarque et parcourt la salle du regard. La pièce est très vaste ; en son centre se trouvent les rayons de livres, principalement des sujets de littérature et sciences humaines à cet étage-là. De chaque côté, on trouve des places de travail ; près des fenêtres, ce sont de simples tables avec une, deux, voire quatre chaises, tandis qu’à l’opposé, il y a des fauteuils plus confortables, des postes informatiques, des photocopieuses, des présentoirs à journaux, d’anciennes cartes géographiques et toutes sortes d’encyclopédies, mises à disposition.

   - D’accord, reprend Simon. Admettons que les voleurs aient besoin de ce livre pour une raison saugrenue, disons un séminaire sur la salvitique…

   - Slavistique, corrige sa sœur.

   - Oui bref, ils ne peuvent pas l’emprunter et semblent très frustrés. Pourquoi ne font-ils pas des photocopies ? Pourquoi prendre le risque de s’introduire dans la bibliothèque la nuit pour voler un livre ?

   - Pas faux… C’est vrai que c’est étrange toute cette histoire…

   Nina lève la tête au plafond et la tourne dans tous les sens.

   - Qu’est-ce que tu fais ? interroge son frère.

   - Je vérifie s’il n’y a pas de caméras de surveillance. Mais non. Il faut croire qu’ils ne tiennent pas tant que ça à leurs bouquins au final.

   La jeune fille place l’épais volume dans son sac à bandoulière. Simon lui attrape le bras et chuchote nerveusement :

   - Tu vas le voler ?!

   - Mais non ! rigole-t-elle, en voyant le visage angoissé de son frangin. Je vais l’emprunter…

   Perplexe, Simon observe Nina s’éloigner le long des rayonnages. Il trottine pour la rejoindre :

   - Je croyais qu’on ne pouvait pas l’emprunter…

   - Pas le commun des mortels, non, mais les employés de l’Université, oui !

   Mme Brun la regarde de travers quand Nina lui présente le livre et sa carte, mais elle les lui rend sans broncher.

   - Bon, je file, j’ai cours dans dix minutes, annonce la jeune fille, avant de déposer un baiser sur la joue de Simon. Désolée de t’avoir dérangé pour ça, mais merci d’être venu !

   - De rien, sister, à plus.

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*

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Les cours de psychologie que suit Nina ont lieu dans un bâtiment en béton au sud du campus. Il y fait sombre en plein jour, froid en hiver et chaud en été, et cela sent fort le renfermé toute l’année.

   L’auditoire S415 est en forme d’entonnoir dans lequel on pénètre par le haut. Les pupitres s’étalent en pente douce jusqu’à l’estrade encadrée par un vieux tableau noir. Un écran blanc est en train de descendre lentement du plafond lorsque Nina arrive. Comme à son habitude, elle s’installe dans les premiers rangs, bien au centre de la pièce, pour être sûre de ne rien manquer et de pouvoir intervenir à tout moment si l’envie lui chante.

   Les lumières baissent dans la salle et sa prof de psychologie cognitive, Mme Serrano, introduit le sujet du jour. Les pensées de Nina n’arrêtent pas de dévier vers le livre de slavistique qui repose dans son sac. Elle doit lutter pour se concentrer sur les paroles de son enseignante : « Le meilleur conseil que peut vous donner la psychologie cognitive est d’observer les signes extérieurs d’un individu pour trouver ce qui importe à l’intérieur de lui. ».

   - Mais oui, c’est ça ! s’exclame soudain Nina, faisant sursauter les deux filles assises devant elle.

   Celles-ci et Mme Serrano jugent son interruption de regards réprobateurs, mais la prof termine tout de même son analyse d’un cas psychopathologique :

   - Si ce jeune homme a agi ainsi à ce moment donné de sa vie, c’est parce qu’il a été conditionné toute son enfance à reproduire des schémas qui l’ont amené à ses actes des années plus tard, explique-t-elle. Tous nos signes extérieurs sont dictés par notre moi intérieur.

   Les étudiants commencent à se lever et à quitter l’auditoire, et Nina joue des coudes pour être dans les premiers à arriver vers la sortie.

   Elle court presque jusqu’à sa chambre et renverse le contenu de son sac sur son lit. Elle balaie le tout d’un revers de la main pour se dégager une place et s’assoit en tailleur, le livre de slavistique sur les chevilles. Nina sent qu’elle se rapproche de la solution à cette énigme. Elle feuillette les pages : six-cent-vingt-trois. Vingt-sept chapitres et une table des matières. Impossible d’en comprendre une ligne avec les caractères cyrilliques, mais elle relève tout de même les noms de cinq co-auteurs.

   Le contenu lui parait scientifique car il y a plusieurs tableaux et graphiques ornant le texte. Aucune note dans la marge, aucun mot souligné, pas de post-it oublié volontairement ou non entre les pages.

   - L’important ce n’est pas son contenu littéraire ou scientifique puisqu’il est illisible à toute personne incapable de lire du cyrillique, mais c’est son aspect extérieur, récite-t-elle pour elle-même.

   Elle passe deux doigts le long de la tranche du livre, sachant très bien qu’elle est sur la bonne piste. C’est très léger, presque invisible à l’œil nu pour qui ne sait pas où regarder. Un petit renflement au niveau de la couverture, comme si on avait inséré quelque chose entre les feuillets reliés et le carton qui protège le livre.

   En ouvrant le volume, une cavité de trois centimètres sur un se crée au niveau de la tranchefile. Un espace juste assez grand pour y glisser un petit objet plat ou un papier plié. Elle tente d’y glisser son index, mais n’arrive pas à saisir ce qu’elle y sent. Même échec avec sa pince à épiler. En forçant un peu et avec agacement, elle finit par déchirer la couverture et par extraire une petite feuille pliée en quatre. Dessus, une suite de douze chiffres et lettres incompréhensibles a été griffonnée : CP35x7Ry_929a.

   Nina ne peut cacher sa déception. Elle s’attendait à trouver de l’argent, un objet de grande valeur, une carte au trésor peut-être, mais pas ça. De frustration, elle balance le livre sur la moquette.

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*

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   Le bureau des plaintes de l’Université est bien occupé cet après-midi-là de novembre ; Nina écoute depuis une demi-heure les pleurnicheries de deux garçons de première année qui se plaignent de tapage nocturne répété à la résidence John Cameron. Elle hoche la tête à intervalles réguliers tout en fixant le cadran de l’horloge à balancier qui oscille à côté de la porte vitrée de l’entrée. Simon, quant à lui, consulte les photos d’identité des étudiants sur son ordinateur, afin de retrouver un possible voyeur repéré dans les douches des filles.

   - Vous me dites quand vous reconnaissez un visage, ordonne-t-il aux deux demoiselles assises à son bureau avec lui.

   Les visages répertoriés dans le système à partir des cartes d’étudiants défilent de haut en bas.

   - Lui ! s’exclame celle à sa gauche.

   Simon zoome pour afficher le garçon en gros plan.

   - Non, il avait la peau beaucoup moins foncée, constate celle à sa droite.

   Simon inspire longuement, ça doit être la dixième fois qu’une pense l’avoir reconnu et que l’autre dément. À croire qu’elles ne l’ont pas vraiment vu ce voyeur, ou qu’elles l’ont imaginé…

   En fin de journée, Michaël les rejoint.

   - Tu ne travaillais pas aujourd’hui ? questionne Nina.

   - Non, j’avais pris congé et Simon m’a remplacé, madame l’inspecteur. J’avais un examen intermédiaire, ajoute-t-il en voyant l’air soupçonneux de Nina, qui ne fait toujours pas confiance à son nouveau collègue.

   - Bon, ça tombe bien que vous soyez les deux là, change-t-elle de sujet. J’ai fait une découverte à propos du livre.

   Elle résume rapidement l’épisode de la nuit à Michaël ainsi que son illumination pendant le cours de psychologie cognitive.

   - En y réfléchissant bien, on comprend pourquoi ils ont décidé de cambrioler la bibliothèque : ils ne pouvaient visiblement pas emprunter le livre et en faire des copies ne servait à rien, car ce qu’ils cherchaient n’était pas dans le livre, mais dans sa couverture.

   Simon et Michaël l’écoutent avec attention, les sourcils froncés.

   - J’ai moi-même dû déchirer la reliure pour en retirer ce qu’ils voulaient. Ils ne pouvaient sûrement pas prendre le risque de faire ça pendant les heures d’ouverture. Quelqu’un, un étudiant, un bibliothécaire, les aurait vus. Ils n’avaient donc pas d’autre choix que de voler le livre.

   - Mais alors pourquoi ils ne sont pas repartis avec ? Pourquoi faire tout ça pour finalement le laisser sur le rayonnage ? questionne Simon.

   Nina extirpe l’ouvrage et le dépose sur la table basse qui fait face au canapé où ils se sont installés :

   - J’ai deux hypothèses : soit ils ont été surpris par ma présence et ont reporté leur vol, soit ils avaient prévu de remplacer l’original par une copie pour que personne ne s’en aperçoive. Je les ai dérangés en plein milieu de leur échange et ils se sont trompés et sont repartis avec la copie.

   - C’est tordu, commente Michaël, en examinant le livre dont la coiffe est déchirée à l’angle, laissant apparaitre les cahiers assemblés au dos.

   - Peut-être, mais ce n’est pas ce qui importe. Qu’as-tu découvert à l’intérieur ? demande Simon.

   - Un bout de papier avec une sorte de code fait de lettres et de chiffres.

   Alliant le geste à la parole, elle leur tend ledit papier, mais Michaël ne quitte pas le bouquin des yeux.

   - C’est la première fois qu’il voit un livre ou quoi ? chuchote Nina à Simon, en ricanant.

   - Ahah, ironise Michaël.

   - Je sais que tu n’as pas souvent l’occasion d’en avoir entre les mains, renchérit-elle moqueuse. Mais comme je le disais ce qui compte ce n’est pas le contenant mais le contenu.

   - Tu peux te moquer, rétorque le jeune homme. En attendant, dans ce cas précis, le contenant est tout aussi important. En effet, j’ai déjà vu ce livre et je pense même savoir qui a placé ce bout de papier à l’intérieur.

   Michaël s’interrompt pour laisser le suspense planer au-dessus d’eux, et Nina finit par craquer la première :

   - Quoi ? Qui ça ?

   - Je l’ai trouvé juste là, pointe-t-il en direction de son bureau. Quand j’ai repris la place, il était parmi d’autres affaires de Gabriel. J’ai d’abord tout mis dans un carton qui a traîné dans une armoire pendant presque un mois, puis, il y a deux ou trois semaines, j’ai tout vidé et je l’ai ramené à la bibliothèque.

   Simon et Nina le regardent bouche bée. Ils comprennent alors que Gabriel Gaudette, qui a quitté le bureau dans la précipitation de son renvoi et de son arrestation, n’a jamais pu récupérer ses affaires et le livre de slavistique dans lequel était caché le message.

   - Ce code est peut-être en lien avec Royalty, suggère Simon.

   - Si c’est le cas, il faudrait en parler à l’inspecteur qui s’est chargé de l’affaire… Comment il s’appelle déjà ?

   - Ah, celui qui a un nom bizarre ? questionne Michaël.

   - Oui, Hippolyte de Kalbermatten, confirme Simon.

   Nina baisse les yeux sur sa montre. Malgré le ciel qui s’assombrit dehors, il n’est que dix-huit heures quinze.

   - Ce n’est pas tard, je vais l’appeler maintenant.

   - Ok, moi je bosse au Croc’ ce soir donc vous passez là-bas pour me donner des nouvelles ?

   - Ouais, je vais acheter à manger et on t’y retrouve tout à l’heure.

   Les trois collègues se séparent : Michaël traverse la cour intérieure pour rejoindre son second lieu de travail de l’autre côté de l’Union, Simon part en direction du supermarché du centre-ville et Nina reste seule au bureau des plaintes. Elle parcourt le répertoire de son téléphone portable à la recherche du numéro du policier qu’ils avaient rencontré quelques semaines auparavant.

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*

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   Les habituels fumeurs se tiennent chaud devant l’entrée du Croc’ et rigolent à pleins poumons. Nina se fraye un passage jusqu’à l’intérieur où la moiteur humaine est presque étouffante par rapport au dehors. Comme toujours, Simon s’est attablé au bar, une chope de bière devant lui et une barquette de sushis à moitié entamée sous la main.

   Nina le rejoint et attend que Michaël ait terminé de servir une table pour leur raconter son coup de fil à l’inspecteur.

   - Il trouve ma théorie un peu tirée par les cheveux et dit qu’on manque de faits concrets : comment relier Gabriel au message, le message aux cambrioleurs et les cambrioleurs à Royalty ?

   - Il a raison, confirme Michaël.

   Mais Nina l’ignore et continue en citant Hippolyte de Kalbermatten :

   - « Je ne peux pas arrêter des individus dont on ne connaît pas l’identité pour un crime dont on n’a pas la preuve qu’il ait été commis ». J’ai tout essayé pour le convaincre, mais c’était perdu d’avance…

   - C’est n’importe quoi ! s’emporte Simon. Et si les malfaiteurs apprennent que c’est toi qui as le message et qu’ils tentent de le récupérer ? Qu’est-ce qu’on fait ?

   - On pourrait en parler au professeur Tavernier… propose sa sœur, sans conviction, en glissant un maki au saumon sous son palais.

   - Qui ? charrie Michaël. Le responsable qu’on ne voit jamais et qui est juste bon à nous écrire un e-mail pour nous dire de nous débrouiller tout seuls ?

   Le frère et la sœur sourient à cette description trop réelle de leur patron. Mais Michaël ne se laisse pas abattre :

   - Non, ce n’est pas parce que la police ne veut pas nous aider qu’on ne peut rien faire de notre côté. D’ailleurs, j’ai une petite idée…

 

*

 

   Nina n’était pas tranquille à l’idée que des intrus souhaitent s’introduire dans sa chambre pour retrouver le code. Le livre et son message n’avaient pas quitté son sac qui, lui, n’avait pas échappé une seule seconde à la vigilance de sa propriétaire. Mais cela ne pouvait pas durer ainsi toute l’année. Vivre dans l’angoisse et l’incertitude d’une intrusion dans sa sphère privée n’est pas supportable à long terme. Et une inattention est vite arrivée…

   Il est passé vingt-et-une-heure quand Nina sort de sa chambre avec sa serviette et sa trousse de toilette. La salle de bains commune aux étudiantes de l’étage est à l’autre bout du couloir, pile en face de la cuisine. Elle n’en a que pour une petite dizaine de minutes, juste le temps de se laver les dents, de se démaquiller et de se rafraichir. Elle ne va quand même pas prendre ce satané bouquin jusque sur les toilettes ou dans son bain !

   À peine les lumières automatiques du couloir éteintes que se dessinent deux ombres dans le clair de lune projeté au travers des fenêtres de la cage d’escaliers. Tapies dans l’obscurité, elles longent les portes à pas de loup jusqu’à la numéro 106. Après un regard à gauche et à droite pour s’assurer que personne n’est dans le couloir à ce moment-là, elles disparaissent dans l’embrasure.

   Quelques secondes plus tard, Nina ressort de la salle de bain, à l’opposé. Ses mains libres le long du corps, elle se dirige d’un pas sûr vers sa chambre. C’est le calme plat au deuxième étage du bâtiment Elsa Cameron. À l’instant où Nina arrive à la hauteur de sa porte, la lumière automatique se rallume :

   - Nina ?

   La jeune fille sursaute et place sa main sur son cœur :

   - Sophie, murmure-t-elle, en voyant une première année passer la tête dans l’encadrement de la porte d’en face. Tu m’as foutu les boules…

   - Qu’est-ce que tu fabriques dans la nuit ? Quelqu’un a encore dévissé les ampoules ?

   Mais Nina n’a pas le temps de répondre que des bruits sourds se font entendre de l’autre côté de la porte 106. Sophie lui lance un regard inquiet et plein de questionnement.

   Soudain, la porte vole en éclats, manquant tout juste de heurter Nina de plein fouet. Sophie pousse un cri d’horreur en voyant deux silhouettes encapuchonnées débouler dans le couloir sombre. Nina est projetée par terre et se cogne la tête contre la plinthe du mur. Paniquée, Sophie s’agenouille près d’elle et a déjà eu le réflexe de composer le numéro de la police.

   - Allô ? Oui, bonsoir… Il y a eu une agression à la résidence Elsa Cameron sur le campus… Deux gars se sont introduits dans la chambre… euh… 106. Venez vite ! S’il vous plait !

   - Non… marmonne Nina. Pas la police…

   Avec beaucoup d’efforts, elle se redresse sur ses pieds et, la main derrière son crâne, elle atteint son palier. À l’intérieur, c’est le bazar : son matelas est retourné contre le mur, les tiroirs de sa commode vidés par terre, un rideau pendouille à la fenêtre, on dirait qu’un dinosaure s’est retrouvé piégé dans la chambre et a tout dévasté.

   Mais le plus surprenant vient de Simon et Michaël, agenouillés au milieu de la petite pièce, le premier en train de vider ses tripes sur le tapis, le second une main ensanglantée sur son nez.

   - On les a pas eus… baragouine Michaël, en saisissant un mouchoir.

 

*

 

   Après avoir terminé la rédaction d’un rapport urgent à remettre à son supérieur, Hippolyte de Kalbermatten est sur le point de quitter le poste à l’instant où une brigade est appelée à l’Université. Code 327 : délit d’effraction avec agression. Ça le fait tilter. Les interventions sur le campus se limitent généralement à des états d’ivresse, des accidents de la route, quelques bagarres…

   - C’est où exactement ? interroge-t-il son collègue qui a reçu l’appel.

   - Dans la résidence pour filles : chambre 106 occupée par une certaine… Nina Dalambert.

   De Kalbermatten saute alors de son siège et suit les agents.

 

*

 

   Nina reconnait tout de suite la silhouette musclée qui déboule dans le couloir de son étage. L’inspecteur de Kalbermatten doit presque se courber pour passer le chambranle. Sous son manteau de laine bleu marine, il porte une chemise blanche un peu trop ajustée et glissée dans un pantalon de costume noir.

   Il pose un regard fusillant sur les trois camarades en constatant leur état déplorable.

   - N’avez-vous pas fini d’attirer les ennuis, Mlle Dalambert ? raille-t-il en guise de salutations.

   - Apparemment, il faut ça pour que vous daignez vous déplacer… rétorque Michaël.

   La mâchoire de Kalbermatten se crispe, mais il ne souhaite pas entrer en confrontation avec l’étudiant. Ce combat n’en vaut pas la peine.

   Un agent est déjà en train d’interroger Sophie et un autre inspecte les lieux.

   - Alors, vous allez me dire que c’est encore un coup de Royalty ?

   - Bien sûr que c’est eux ! s’énerve Michaël. On a essayé de vous prévenir qu’ils allaient vouloir récupérer leur message codé et vous n’avez rien fait ! Alors on leur a tendu un piège en publiant une petite annonce disant que Nina avait trouvé un papier dans un livre de slavistique et on a attendu qu’ils se pointent.

   - Et apparemment ils ne vous ont pas manqués… Bon, faites-moi voir ce fameux code.

   Nina sort le morceau de papier de sa poche de jeans et le tend au policier. Tous retiennent leur souffle.

   - Un mélange de chiffres, lettres et signes, commente-t-il. On dirait un mot de passe…

   Simon, qui a remis le matelas en place, s’est assis sur le lit, la tête dans les mains.

   - Bref. Cette histoire va un peu trop loin si vous voulez mon avis. Je vais me charger d’interroger Gabriel à propos de ce code.

   Nina soupire de soulagement.

   - Et pour ma sœur ? Vous allez la protéger ? s’enquiert Simon.

   - Je crois que tout le campus est maintenant au courant que la police est sur l’affaire, mais on fera savoir que c’est dorénavant nous qui sommes en possession du message qu’ils recherchent. Ils ne vont plus vous embêter.

   L’un des deux agents intervient :

   - Les dépositions des témoins n’ont rien donné, explique-t-il à son supérieur. Ils n’ont pas vu grand-chose ; juste deux silhouettes masculines de taille moyenne. Il n’y a pas d’identification possible.

   De Kalbermatten se gratte la nuque et repart en direction du couloir, les trois comparses sur ses talons. Dans l’embrasure de la porte, il fait volte-face et Michaël doit se pencher en arrière pour ne pas lui rentrer dedans.

   - Vous trois, menace-t-il, en les pointant de l’index. Fini les élans héroïques et les prises de risque !

   Nina, Simon et Michaël hochent la tête comme des enfants qui viennent d’essuyer une grosse remontrance.

 

*

 

   Le soir-même, Nina squatte le canapé de son frère, le temps de remettre sa chambre en ordre. Allongée dans la nuit, la jeune femme réfléchit aux événements des dernières heures. Que l’inspecteur ait pris les choses en mains la rassure, c’est vrai que leur manœuvre pour piéger les cambrioleurs était un peu risquée.

   Cependant, plusieurs questions restent en suspens : que signifie le code ? A-t-il un lien avec Gabriel et Royalty ? Qui sont les deux intrus ? Vont-ils essayer de s’en prendre à elle à nouveau ?

   Nina se tourne et se retourne sur les coussins du sofa, sans pouvoir reposer son esprit. Le temps leur amènera sûrement des réponses. Pour le moment, elle ne peut rien faire d’autre que dormir. Les Royals ont peut-être gagné la deuxième manche, mais le match est loin d’être terminé et qui sait ce qui peut encore arriver avant le coup de sifflet final…

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