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Saison 3 - Épisode 8

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Le quatrième mousquetaire (partie 1)

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Zoé Capt entre dans le bureau des plaintes de l’Université et ressent tout de suite une certaine tension émanant de ses collègues. À sa droite, Michaël Fassnacht se tortille dans le sofa. En face, Nina Dalambert se met à faire de l’ordre sur son plan de travail, sans ménagement.

Pourtant, Zoé a remarqué que ces deux-là ne cachaient plus leur relation. Ils arrivent au travail bras dessus, bras dessous, et sont remplis d’attentions l’un pour l’autre. Ils devraient se détendre un peu, pense la jeune femme.

Tandis que la jeune femme s’installe à son poste pour commencer la permanence de l’après-midi, Nina et Michaël s’apprêtent à quitter les lieux. Plus de doute, ils agissent de manière très suspecte. Il y a encore quelques jours, ils seraient restés au bureau jusqu’à la fermeture, faisant leurs devoirs ou se détendant après les cours. Mais ils ont changé ; maintenant, ils passent en coup de vent et adressent à peine la parole à Zoé. Tous leurs gestes paraissent mesurés et faussement naturels.

- Salut Nina, tout s’est bien passé ce matin ? demande Zoé, sur un ton détaché.

- Mmhh… marmonne Nina, sans lui prêter attention.

- Qu’est-ce qu’il reste à faire ?

- Rien.

- T’as répondu à tous les e-mails ?

Nina opine du chef.

- Et classé les dossiers que Freiss nous a demandé d’archiver ?

- Ouais...

- T’as qu’à vérifier sur tes caméras, chuchote Michaël à l’attention de Nina.

- Et ça, c’est quoi ? relance Zoé en pointant une pile de courrier. Il faut l’amener au secrétariat ?

- Je m’en occupe en partant.

- Mais je peux le faire, propose Zoé en s’emparant des papiers.

- C’est bon, insiste Nina.

Les deux collègues se défient du regard.

- Comme tu veux, cède Zoé, qui lance la liasse sur le bureau, entrainant dans son mouvement brusque la chute de son sac à main par terre.

Nina hésite à lui donner un coup de main pour ramasser ses affaires qui se sont éparpillées sur le parquet. Mais son ressentiment envers Zoé prend le dessus. Elle rejoint Michaël et tous deux sortent du bureau, en esquissant un au revoir froid.

Ni l’un ni l’autre ne voit donc Zoé récupérer un petit appareil noir qui a glissé sous sa chaise. Les sourcils de la jeune femme se froncent.

- C’est quoi ce truc ? chuchote-t-elle pour elle-même en retournant l’objet entre ses doigts.

 

*

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Son ordinateur portable sur les genoux, Simon est installé sur le lit dépouillé de Nina. Une pile de draps roulés en boule git à ses pieds. Sa sœur est à quatre pattes en train de dépoussiérer les recoins de sa chambre :

- Hé, tu veux pas lâcher ton écran trois secondes et venir m’aider ?

C’est la troisième fois que Nina déménage cette année et elle espère bien que ce soit la dernière.

Le week-end précédent, Michaël a proposé à Nina de venir vivre avec lui à l’appartement. Cela fait deux mois que leur relation fleurit gentiment. La chambre de Simon est restée vide suite au départ de Nina en janvier et comme leur collocation s’est bien déroulée par le passé, ils ont décidé de renouveler l’expérience. Ils espèrent aussi économiser un peu d’argent.

Avec l’aide de Simon, Nina a déjà emporté ses cartons à sa nouvelle adresse. Sa chambre est vide, sauf les gros meubles qui restent pour la prochaine occupante. La jeune femme n’a pas eu de peine à trouver une étudiante pour prendre sa place. Il existe une liste d’attente longue comme le bras pour les logements à la résidence Elsa Cameron.

Simon pose son ordinateur ouvert sur le lit et vient aider sa sœur à déplacer l’armoire. Sur l’écran, les images des vidéos surveillance tournent en boucle. Le jeune homme a magouillé le serveur du local B316 pour pouvoir lui aussi suivre en direct ce qui se passe au bureau des plaintes. En ce moment, on y voit Michaël en train d’aider un étudiant à remplir un formulaire de plainte.

- T’es pas beaucoup mieux que Zoé, tu sais ? se moque Nina. T’as pas arrêté de fixer ces images depuis une semaine…

- J’espère qu’elle avait des trucs plus croustillants à se mettre sous l’œil, parce que c’est d’un ennui mortel…

Nina et Simon se mettent à deux pour déplacer l’armoire, mais s’arrêtent soudain lorsque l’ordinateur de Simon émet un bip. L’étudiant se retourne et constate avec effarement que la quatrième caméra de surveillance vient de s’allumer. Depuis leur découverte, celle-ci était restée tristement noire, mais maintenant une image dans les tons gris apparait sous leurs yeux.

- Nina ! s’écrie Simon. Ça a bougé, là !

Il se jette sur son laptop et fixe le petit rectangle en bas à gauche. Le frère et la sœur y voient l’entrée d’une chambre, un bureau et une armoire vide, et le pied d’un lit. Mais aucun doute possible, il y a deux silhouettes assises sur le rebord. Elles sont penchées sur un écran d’ordinateur où s’affichent sûrement quatre images de vidéo surveillance.

- C’est ici… gémit Nina.

Dans leur manœuvre pour déplacer l’armoire, ils ont dû déclencher quelque chose. La jeune femme veut se retourner pour voir où est cachée la caméra, mais Simon la retient discrètement par le poignet :

- Fais comme si de rien n’était… ordonne-t-il entre ses dents. On nous observe sûrement.

Lentement, en paraissant le plus naturel possible, Simon ferme son portable et suit Nina en dehors de la chambre. Dans le corridor, la jeune femme ne peut plus se retenir et explose :

- Elle m’a mise sous surveillance vidéo !! Moi ? Pourquoi ? Oh mon dieu, j’arrive pas à y croire ! Depuis quand ?

Simon tente de la calmer :

- Probablement après les travaux de rénovation de la résidence en janvier… Et puis, la connexion n’était même pas effective. Si ça se trouve, elle n’a jamais fonctionné.

- T’imagines le niveau de perversité ?! Dans mon intimité !

- Ça va beaucoup trop loin… On appelle Freiss et on lui déballe tout ce qu’on sait.

- Et s’il est de mèche avec Zoé ?

- Tant pis, on menace d’aller directement à la Faculté.

Le frère et la sœur décident de repasser par le bureau des plaintes pour avertir Michaël des dernières découvertes. Ensuite ils mettront fin au petit jeu de Zoé. Quel qu’il soit, la partie s’arrête maintenant.

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*

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- Monsieur Freiss est absent aujourd’hui, répète pour la troisième fois sa secrétaire, dont le ton devient de plus en plus agacé.

- OK, OK, concède Simon. Est-ce que vous pouvez lui dire que c’est urgent ? Et très important !

Simon s’assure que le message est bien passé avant de rejoindre Nina et Michaël.

Ces derniers se sont isolés sous les arcades de la cour intérieure, à l’abri des regards scrutateurs et des oreilles indiscrètes. Michaël a l’air encore sous le choc de l’annonce de Nina :

- Elle est allée beaucoup trop loin cette fois, dit-il en faisant craquer les articulations de ses doigts, une par une.

- Freiss n’est pas là, annonce Simon. Qu’est-ce qu’on fait ? On attend demain midi ?

C’est le jour de leur réunion hebdomadaire avec le doyen.

- Je sais pas si je suis capable de patienter jusque-là… maudit Nina.

- Il faut qu’on vérifie qu’il n’y ait pas de caméra à l’appartement et chez toi, Simon, suggère Michaël.

- Oui, et on va récupérer celles du bureau, comme preuves.

Les trois amis retournent à l’intérieur.

Il ne leur faut pas moins d’une seconde pour remarquer le changement :

- Celle de la cuisine a disparu ! s’écrie Michaël.

- Les deux autres aussi, constate Nina. Comment c’est possible ? Elles étaient encore actives il y a moins d’une heure !

Simon tourne en rond dans la pièce, tandis que Nina et Michaël fouillent les moindres recoins. Les caméras auraient-elles pu tomber ? Ou être déplacées ?

- Zoé a dû flipper quand vous avez rallumé la quatrième et elle est sûrement passée tout à l’heure pour tout faire disparaitre.

- Tu crois qu’elle a eu le temps ?

- On était tous les deux dehors, elle avait le champ libre. D’une manière ou d’une autre, elle a dû comprendre qu’on avait découvert son petit manège.

Simon jure :

- Je ne retrouve plus mon ordinateur portable !

- Tu l’avais pas avec toi ? s’inquiète sa sœur.

- Non, je l’ai laissé ici en arrivant… et elle me l’a volé ! Qui d’autre aurait pu entrer dans le bureau ?

Après une minute de panique et de consternation, Simon s’effondre :

- J’ai tout mon travail dessus ! Je peux rien faire sans !

- Et il y a aussi la copie du serveur qu’on a faite… gémit son ami. J’imagine que ça ne vaut pas la peine d’aller au local B316. Elle l’aura aussi vidé…

- Heureusement, il reste les photos qu’on a sur nos smartphones, rassure Nina.

Devant la détresse de son frère, celle-ci décide de prendre les choses en main. Elle sort son téléphone et laisse un message vocal à Zoé :

- « T’aurais pas dû prendre l’ordinateur de Simon… On va porter plainte à la police ce soir. C’est fini Zoé. »

- Bien dit, confirme Michaël.

- Voyons ce qu’elle va faire maintenant. Je lui donne cinq minutes avant d’appeler Hippolyte.

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*

 

Cinq, même quinze minutes s’écoulent, et Zoé n’a pas répondu à leur message.

- T’es sûre qu’elle l’a entendu ? interroge Michaël.

- Certaine.

- T’aurais dû ajouter qu’on avait des preuves pour les caméras, ça l’aurait peut-être fait un peu plus réagir.

- Bon, fini les menaces, on passe à l’action.

Nina trouve le numéro de l’inspecteur Hippolyte de Kalbermatten dans ses contacts et l’appelle.

Ce dernier décroche à la première sonnerie. S’ensuit un bref échange où Nina lui explique la raison de son appel.

- Il nous dit de ne pas bouger, résume-t-elle après avoir raccroché. Il est pas loin du campus. Il arrive.

- On aurait dû appeler la vraie police, maugrée Michaël, qui n’a jamais porté l’inspecteur dans son cœur.

- C'est la vraie police. Ne nous fais pas une crise de jalousie maintenant.

- Rien à voir, rétorque Michaël. Juste que , j’aurais appelé le commissariat, comme toute personne normale.

- Restons soudés et concentrés sur qui est notre réel ennemi, OK ?

Le jeune homme part s’isoler dans la kitchenette. Pourquoi, dès qu’ils ont un problème, Nina saute sur l’occasion pour appeler Hippopo ? Ce n’est quand même pas le seul flic de la ville ! Et même s’il leur a sauvé la mise quelquefois par le passé, l’inspecteur n’a pas toujours été franc avec eux.

Perdu dans ses pensées, Michaël n’entend pas de Kalbermatten arriver. Il reprend ses esprits quand Simon se met à décrire ce qui s’est passé. L’inspecteur s’est assis sur le recoin du bureau de Michaël, Nina est à ses côtés et Simon fait les cent pas autour d’eux. Michaël observe la scène en retrait.

Hippolyte a les mains plongées dans les poches de son pantalon, créant un pli sur les côtés de sa veste de costume. Ses sourcils se haussent et se réhaussent au fur et à mesure des explications de Simon. Tout à coup, il se lève et place ses paumes de mains en avant :

- Attendez, attendez. Des caméras de surveillance ? Où ça ?

- Ici, dans le bureau ! s’exclame Simon. Et dans la chambre de Nina !

Comme l’inspecteur jette un regard à la ronde, Nina se doit de préciser :

- Zoé Capt les a enlevées, mais on a pris des photos.

Elle déverrouille son smartphone et brandit les preuves.

- Et pourquoi est-ce que vous accusez votre collègue au juste ?

Nina lui explique que Zoé a menti sur son statut d’étudiante et qu’elle se rendait plusieurs fois par semaine dans le local B316 où ils ont trouvé le serveur.

De Kalbermatten passe une main sur le dessus de son crâne rasé :

- Encore une fois, vous êtes les champions de la conspiration ! Bon, envoyez-moi ces photos, je vais les analyser.

- Et pour mon ordinateur ? s’enquiert Simon.

- Passez au poste demain, on prendra votre plainte.

Sur ce, l’inspecteur les salue d’un mouvement de la tête et, avant de sortir, s’arrête une microseconde à côté de la porte. Les yeux rivés au sol, là où Georgina Rose était étendue.

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FIN DE LA PARTIE 1

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Le quatrième mousquetaire (partie 2)

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Le lendemain, Simon, Nina et Michaël sortent de chez le doyen, contrariés. Zoé n’a pas donné signe de vie depuis le message vocal de la veille. Elle n’est même pas venue à la réunion. Lorsque Freiss leur a demandé pourquoi, Simon a expliqué les événements des derniers jours.

- Freiss avait l’air surpris quand on lui a parlé des caméras et du vol de ton ordinateur, remarque Nina.

- Ouais, j’ai l’impression qu’il n’a rien à voir dans cette histoire. Zoé a dû agir seule, mais pourquoi ?

- Bonne question… En tout cas, j’espère qu’il va prendre des mesures, comme il l’a promis.

- À commencer par virer Zoé, ronchonne Michaël.

Les trois amis retournent au bureau des plaintes.

- Freiss ne peut pas être pire que de Kalbermatten, continue Michaël. Il m’a soulé avec sa remarque : « vous croyez toujours à la conspiration ». Lui, il ne croit en rien du tout. Et surtout pas en nous !

Michaël se jette dans le sofa et donne un coup de poing dans un coussin.

- T’es déjà passé au commissariat ? demande Nina à son frère.

- Non, j’y vais cet après-midi.

- Tu veux que je t’accompagne ?

- C’est gentil, sister, mais Chris a proposé de venir avec moi.

- Pendant que vous y êtes, tu penses que Chris pourrait voir si la puce GPS de Zoé est toujours active ?

- À mon avis, elle est morte depuis longtemps… Mais je vais lui demander.

Simon s’isole pour téléphoner à son copain, alors que Nina s’installe à son bureau.

- Bon, je vais nous chercher des sandwichs à la cafétéria, propose Michaël pour se changer les idées. Tu prends quoi ?

- Tomate-mozzarella, s’il te plait.

Simon réapparait au moment où Michaël sort par la double-porte vitrée :

- Chris ne répond pas. Je lui ai déjà écrit trois messages qu’il n’a pas lus… C’est bizarre, ça lui ressemble pas.

- Il a peut-être un rendez-vous…

- Depuis ce matin ? Impossible.

Nina ne sait plus comment rassurer son frère, alors elle décide de lui donner quelque chose de concret à faire :

- Est-ce que tu peux avoir accès aux données GPS que Chris a récoltées sur Zoé ? Ça m’intéresserait de savoir où elle a l’habitude de trainer.

- Oui, attends, il m’avait partagé une carte avec ses trajets.

Simon prend possession de l’ordinateur de travail de sa sœur, tout en gardant un œil sur son smartphone, au cas où son copain donnerait des nouvelles.

- Deux sandwichs tomate-mozzarella ! annonce Michaël, qui semble avoir retrouvé sa bonne humeur.

Il les dépose devant Nina et Simon avant de croquer dans le sien. De la mousse de thon coule sur ses doigts.

La carte de la ville ouverte sur son écran, Simon détaille les différents lieux où Zoé s’est rendue : magasins, restaurants, bibliothèque, fitness, bars…

- C’est quoi cet endroit ? demande Nina en pointant un carrefour où Zoé s’est arrêtée trois fois en l’espace de quelques jours.

- On dirait un quartier d’immeubles au centre-ville : 17, Rue des Soupirs.

Nina, qui avait déballé son sandwich et s’apprêtait à mâcher dedans, se fige :

- Je connais cette adresse… dit-elle, livide. C’est l’immeuble d’Hippolyte…

- Zoé et Hippopo ?! s’exclame Michaël. C’est quoi le rapport ?

- Aucune idée, mais je me souviens les avoir vus ensemble… se rappelle Simon. C’était pendant l’incendie à Elsa Cameron.

Nina acquiesce :

- T’avais dit qu’ils discutaient de manière assez tendue. Apparemment, c’était ni la première, ni la dernière fois.

Le téléphone de Simon vibre sur le coin du bureau. Il ouvre le message :

- C’est Chris, explique-t-il, l’air inquiet.

- Qu’est-ce qui se passe ?

- Je sais pas… Il nous demande de venir les trois sur le parking de l’entrée. Immédiatement.

Michaël a juste le temps de se lécher les doigts et de lancer l’emballage de son sandwich dans la poubelle avant de suivre Nina et Simon, qui se ruent dehors.

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Le parking principal où Chris leur a donné rendez-vous se trouve devant le bâtiment de l’Union. Michaël, Nina et Simon zigzaguent entre les voitures à la recherche de leur ami. Le soleil d’avril tape sur le bitume et les éblouit. Simon plisse les yeux, sa main en visière sur son front, et repère son copain, tout au fond près de la route. Le jeune homme est appuyé sur une voiture, le visage fermé.

Il n’ose pas regarder ses amis dans les yeux, quand ceux-ci arrivent à sa hauteur :

- Désolé, murmure-t-il. J’ai pas eu le choix.

Simon le prend par les épaules :

- Qu’est-ce qu’il y a ? De quoi tu parles ?

Chris soupire et n’a pas le temps de répondre.

La portière de la voiture s’ouvre et Hippolyte de Kalbermatten se plie pour extraire ses épaules carrées de l’habitacle.

- Inspecteur ? s’étonne Simon. Qu’est-ce que vous faites là ?

Son regard fait des aller-retours entre son copain et le policier.

- C’est moi qui ai demandé à Chris de vous faire venir.

- Ça tombe bien, le coupe Nina. Tu pourras peut-être nous expliquer quel est ton lien avec Zoé Capt ?

De Kalbermatten desserre le nœud de sa cravate, autour de son cou large comme ses biceps, et ajuste ses lunettes de soleil sur son nez.

- À vrai dire, Nina, je n’ai aucun compte à vous rendre.

- Peut-être pas à nous, réplique Michaël, mais à la Faculté, sûrement. On a réuni toutes les preuves nécessaires, on va les transmettre au doyen aujourd’hui.

Comme souvent, l’inspecteur ignore le jeune homme et se tourne vers Chris :

- Non, vous n’allez rien faire. Sinon, c’est votre copain qui va prendre cher. Zoé m’a apporté la puce GPS qu’elle a trouvée dans son sac. Elle soupçonne Chris de l’avoir espionnée.

- C’est la meilleure ! ricane Nina, qui a en tête l’expression de l’arroseur arrosé.

- Vous n’avez aucune preuve contre Chris, intervient Simon.

- Pas pour l’instant, mais je suis sûr qu’en demandant un relevé d’empreintes et de ses paiements en ligne, on remontera jusqu’à lui. N’est-ce pas ?

Chris passe une main tremblante sur son front humide.

De Kalbermatten se penche en avant dans la voiture et ressort l’ordinateur de Simon, qu’il tend à son propriétaire.

- Je vous rends votre portable, monsieur Dalambert. Comme neuf.

À ces mots, les trois collègues comprennent que la copie du serveur a été soigneusement effacée.

- En ce qui concerne Zoé, continue Hippolyte, sachez simplement qu’elle n’y est pour rien. Si vous devez en vouloir à quelqu’un, c’est à moi.

Michaël esquisse un sourire. Il n’a pas besoin de la permission du flic pour ça.

Tandis que l’inspecteur tente de reprendre place derrière le volant, Nina l’interpelle. L’étudiante n’est pas satisfaite de ces explications et compte bien obtenir le fin mot de l’histoire :

- Attends, tu veux dire que c’est toi qui as placé des caméras surveillance au bureau des plaintes et dans ma chambre ?

De Kalbermatten hésite à répondre, puis lâche dans un soupir :

- C’est moi qui ai ordonné à Zoé de vous surveiller, oui.

- Pourquoi ? s’écrie Nina.

- Après ce qui s’est passé l’été dernier… je pensais que la Faculté fermerait le BPU. Alors quand j’ai su que vous repreniez du service, j’ai demandé à ma cousine d’infiltrer le bureau.

- Zoé est ta cousine ?

- Je me suis arrangé avec Freiss. Elle était censée garder un œil sur vous. C’est vite devenu compliqué pour elle de vous suivre tous les trois à la trace, alors j’ai fait installer des caméras.

Nina, Simon et Michaël restent sans voix. Ce dernier n’a jamais eu autant envie d’envoyer son poing dans le bide de l’inspecteur. Il doit faire un effort surhumain pour se retenir.

Pour Nina, tout s’emboite : la façon dont Zoé a été engagée, son comportement étrange, le sentiment d’être épiée…

- C’était elle ? Le soir de l’incendie… C’est Zoé qui a mis le feu à ma chambre ?

- Un accident. Elle a jeté sa cigarette sous ta fenêtre, sans imaginer que le vent ranimerait son mégot.

- Waouh… gémit Nina qui doit faire quelques pas pour digérer les infos.

- Elle nous a vraiment bien eus, s’agace Simon.

- Encore une fois, insiste de Kalbermatten, Zoé n’a fait qu’obéir à mes ordres, souvent à contre-cœur. D’ailleurs, je la soupçonne d’avoir volontairement désactivé la caméra dans ta chambre, Nina. Elle trouvait que j’allais trop loin.

- C’est un euphémisme, commente Simon.

- Peut-être que vous ne comprendrez pas, continue l’inspecteur, mais je l’ai fait avant tout pour vous protéger.

- Nous protéger de quoi ?! s’indigne Mic. De qui ? Des psychopathes comme toi ?

- De toutes les situations dangereuses dans lesquelles vous vous êtes fourrés ces trois dernières années ! C’est pour vous que Georgina y est restée, au cas où vous l’auriez oublié !

De Kalbermatten, qui avait haussé la voix, se calme :

- Je ne voulais pas que sa mort soit vaine…

Un silence respectueux suit ses mots.

Simon ne sait plus quoi penser : est-ce qu’il y a une once de bonne foi dans la justification de l’inspecteur ? Il doit avouer que ces derniers mois, les trois collègues avaient tout vécu : tour à tour, agressés, arrêtés par la police, leurs affaires avaient été volées, saccagées, et on leur avait même tiré dessus. Il ne s’était pas rendu compte, avant, de tous ces dangers.

L’inspecteur monte dans sa voiture et, sur le point de fermer sa portière, exprime une dernière pensée :

- Soyez rassurés, vous n’entendrez plus parler de moi pendant un moment.

Le moteur vrombit, les pneus crissent et le pot d’échappement expire un fumet malodorant en rejoignant la route.

Il faut plusieurs secondes aux quatre amis pour réaliser ce qui vient de se produire.

- Zoé, la cousine d’Hippopo ?! articule Michaël qui n’y croit toujours pas.

- Ça explique pourquoi elle s’est rendue chez lui à de multiples reprises, confirme Nina.

- Et pourquoi elle n’est pas inscrite à l’Université… conclut Simon.

- Au final, ce n’est pas réellement de sa faute. Elle n’était qu’un pion, au service d’Hippopo.

- Comment on va expliquer tout ça au doyen ? questionne Simon.

- Si tu veux mon avis, répond sa sœur, c’est à Zoé de se débrouiller. Freiss va sûrement vouloir l’interroger. Elle n’aura qu’à déballer la version qu’Hippolyte voudra. Ça ne nous regarde plus.

Les trois collègues quittent le parking. Chris les suit, dépité. Il n’a pas dit un mot.

- Tout va bien ? interroge Simon.

- Je suis désolé, Simon. C’est ma faute tout ça…

- Mais non ! le réconforte son copain. Tu as fait ce qu’il fallait. Ton traceur a permis de faire la lumière sur toute cette histoire. C’est le plus important. Sans toi, chacun de nos mouvements et de nos mots serait encore épié et écouté.

Michaël et Nina confirment d’un hochement de tête.

- Jamais on t’en voudra de nous aider, Chris. C’est plutôt nous qui devrions être mal. À cause de cette histoire, t’as risqué avoir une ligne à ton casier judiciaire.

- Ouais, t’es un peu notre quatrième mousquetaire ! plaisante Simon, en lui prenant la main.

Un pour tous, tous pour une bière au Croc’ ! s’exclame Michaël.

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FIN DE L’ÉPISODE 8

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