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Saison 3 - Épisode 10

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Adieux (partie 1)

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Terminer dissertation cours de méthodologie ; réviser examen de psycho ; mettre au propre notes de socio ; lire article neurobiologie ; répondre mail Freiss ; rendre livres biblio ; rappeler parents ; sortir compost ; payer factures ; faire lessive ; parler à Simon et Michaël.

Nina Dalambert souligne deux fois la dernière ligne de sa liste de choses à faire et soupire. Avec les examens de fin d’année, elle n’a pas trouvé le temps de ressortir le courrier qu’elle a reçu il y a deux semaines et d’en discuter avec son frère et son copain. Et maintenant, sa charge mentale est telle que le sujet de conversation passe en dernier dans l’ordre des priorités.

Bon, par quoi commencer ? Cela fait quatre heures que l'étudiante travaille sur son ordinateur portable et elle commence à avoir les paupières fatiguées. Elle prendrait bien un peu l’air. Elle pourrait sortir le compost au bas de l’immeuble et en même temps appeler ses parents. Il faudrait aussi qu’elle leur parle de la lettre… Mais pas avant d’avoir mis Simon au courant.

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Michaël frappe trois coups à la porte de la chambre et passe la tête. Nina est toujours attablée devant son ordinateur. Elle glisse rapidement une enveloppe sur ses genoux quand elle le voit entrer.

- Tu veux manger quelque chose ? questionne-t-il.

- Oui, volontiers.

Le jeune homme s’approche d’elle et vient lui masser légèrement les épaules. Depuis quelque temps, il trouve Nina tendue. Ce n’est peut-être que le stress des examens de juin, mais même lors des rares moments de repos, elle semble être ailleurs.

- Je commande à l'indien ?

- Il doit rester des pâtes et du pesto dans les placards, ça ira très bien.

- Comme tu veux, répond-il en déposant un baiser sur le haut de son crâne. Je m’en occupe.

- Merci. Je vais sortir quelques minutes m’aérer l’esprit avant de passer à table.

Michaël retourne dans la cuisine. Il met chauffer l’eau dans la casserole et sort les ingrédients.

De son côté, il ne lui reste qu’un examen. S’il réussit, il obtiendra dans quelques jours un premier diplôme en droit. Ce sera une bonne chose, un soulagement d’avoir accompli une étape, mais dans quel but ? La plupart de ses camarades vont continuer leur formation pour se spécialiser et travailler comme juriste ou avocat.

Mais pour une fois, Michaël doute. Il se voit mal poursuivre dans ce domaine, qu’il avait déjà choisi par défaut à l’époque de son orientation scolaire. Depuis plusieurs semaines, les professeurs les encouragent à trouver un stage d’été dans une étude, un bureau ou un tribunal, toutefois le jeune homme n’a même pas la motivation de chercher. Alors que faire ? Il ne s’imagine pas servir des bières aux étudiants du Croc’ jusqu’à cinquante ans. Peut-être qu’il pourrait en parler à Nina. Si ça se trouve, elle aussi se pose des questions quant à l’avenir…

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Simon Dalambert fait couler la moitié des œufs brouillés de la poêle à son assiette, puis verse le reste dans celle de Chris. Il s’assied et saupoudre généreusement de sel et de poivre.

- Comment tu te sens aujourd’hui ? questionne Chris, sa fourchette entre la table et sa bouche.

- Ça va.

- Pas trop nostalgique pour cette dernière journée de travail au BPU ?

- Non, je me sens bien.

Les dents tachées d’œuf, Simon sourit à son copain.

Pour le jeune homme, cet après-midi mettra fin à quatre années de travail au bureau des plaintes de l’Université. Un job d’étudiant qu’il a eu beaucoup de plaisir à avoir et auquel il a consacré une grande partie de son temps et de son énergie. Mais aujourd’hui, il se sent prêt à dire au revoir à tout ça et passer à autre chose.

La semaine prochaine, il a un entretien pour un poste d’informaticien dans une start-up du centre-ville. Il espère vraiment décrocher cette place. Les valeurs de l’entreprise correspondent totalement aux siennes et l’équipe a l’air sympathique. En fait, il se réjouit de quitter l’Université et d’entrer dans le monde du travail. Il ne pourrait pas faire comme Chris et s’engager pour plusieurs années dans un doctorat.

Simon termine son petit-déjeuner et salue son copain. Il va réviser quelques heures au bureau des plaintes avant de faire sa dernière permanence. Avec la fin des examens qui approche, il espère que l’après-midi sera tranquille.

 

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Quelques minutes plus tard, Simon retrouve sa sœur sous la mezzanine du bureau des plaintes. Celle-ci vient de terminer un examen oral :

- Ça s’est bien passé ? demande le grand frère.

- Oui, je crois. Même si j’ai un de ces mal de crâne…

La jeune femme se frotte les tempes avec les index, puis va ouvrir les portes-fenêtres et installe une chaise sous les arcades de la cour intérieure. Elle s’assoit et profite un instant des rayons du soleil et du brouhaha indistinct des étudiants qui vaquent à leurs occupations.

Simon l’observe depuis l’intérieur. Il trouve sa sœur distante, voire un peu malheureuse ces jours. Il se lève avec l’intention d’aller discuter avec Nina, mais le doyen Freiss entre dans le bureau au même moment.

- Bonjour, monsieur Dalambert. Vous êtes seul cet après-midi ?

- Non, ma sœur est dehors, dit-il en pointant l’extérieur du menton.

- OK, j’aimerais vous parler à tous les deux.

Simon appelle Nina et offre un café au doyen, qui refuse poliment.

Ce dernier ne prend même pas la peine de s’assoir :

- Je sais que l’année est presque terminée, mais la Faculté m’a transmis son inquiétude concernant une mode qui circule parmi les étudiants. On souhaiterait que le BPU gère cette affaire.

Le frère et la sœur froncent les sourcils ; d’une part car ils espéraient une dernière semaine au calme, d’autre part, parce qu’ils se demandent quelle affaire l’Université est incapable de régler sans eux.

- La Faculté a été alertée d’un nouveau « challenge » que les étudiants se lancent, puis publient sur les réseaux sociaux.

Au mot « challenge », Freiss avait agité les doigts de chaque côté de sa tête pour le mettre entre guillemets gestuels, et il avait prononcé « réseaux sociaux » avec dégoût. Ce qui avait eu pour effet de faire sourire Simon.

- Apparemment, le défi est d’entrer et sortir par les fenêtres plutôt que les portes. Plus le lieu est insolite, plus l’auteur de la vidéo récolte des « likes ».

Nina se rappelle avoir vu passer une ou deux vidéos de ce genre ces derniers jours, sans y prêter plus d’attention. A priori, elle ne voit pas où est le mal, mais Freiss n’a pas fini son explication :

- Il y a déjà eu quelques blessés… Un garçon s’est élancé à travers la fenêtre alors qu’une fille passait au même moment. Il l’a heurtée de plein fouet. Certains ont déjà tenté de descendre des fenêtres des premier et deuxième étages… C’est sûr que ça va mal finir.

- Et que fait la Faculté ? interroge Simon.

- Elle ne peut pas faire grand-chose. Impossible de barricader toutes les fenêtres des bâtiments… On a publié hier un communiqué enjoignant les étudiants à arrêter ces défis stupides et dangereux, mais à quel point cela suffit ?

En effet, pense Nina, il y a peu de chance que cela ait un impact.

- C’est moi qui ai proposé à la Faculté de vous mettre sur le coup, explique Freiss. Vous m’avez prouvé votre efficacité cette année. Je suis confiant que vous ne me décevrez pas et trouverez encore une fois une solution à la hauteur.

Sur ce, il tourne les talons et laisse un Simon et une Nina plutôt dubitatifs, plantés au milieu du bureau.

- Et moi qui pensais avoir une dernière journée de travail tranquille, soupire Simon.

- T’inquiète, le rassure sa sœur. On va s’en occuper avec Mic.

- Et comment veulent-ils qu’on intervienne d’abord ? On peut pas se poster à toutes les fenêtres pour surveiller les étudiants. Ni bloquer l’accès aux réseaux sociaux de ceux et celles qui réalisent ces challenges.

- Non, en effet. Il faut qu’on réfléchisse. Il doit bien y avoir une solution.

Heureusement, il ne reste que deux semaines avant la fin du semestre. Si aucun accident ne se produit d’ici là, la mode disparaitra avec les vacances d’été.

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Le lendemain, Michaël entame son service au Croc’ en fin d’après-midi. La plupart des clients présents sont des étudiants en train de réviser seuls ou en groupe, cachés derrière l’écran de leur ordinateur portable et coupés du monde sous leurs casques audio. Nina est installée au comptoir où Michaël s’affaire à essuyer de la vaisselle.

- Ça y est ? Tu t’es décidée ?

- Oui, je vais prendre un mojito. Pour fêter la fin de mes examens !

Le barman verse les ingrédients dans le shaker et se met à secouer.

- Cadeau, dit-il en poussant le verre en face de Nina.

La jeune femme se sent soulagée que cette année se termine enfin. Elle attendait ce moment afin de prendre le temps de discuter avec Simon et Michaël.

- Nina, commence ce dernier, j’aimerais te parler d’un truc.

- Oui, moi aussi.

- OK, toi d’abord ?

- Non, non, vas-y. Je t’écoute.

Michaël prend une grande inspiration et se lance :

- Je vais arrêter mes études.

Nina ne semble pas surprise par son annonce.

- J’ai bien réfléchi, continue-t-il. Le droit, c’est pas fait pour moi.

- OK… Et qu'est-ce que tu veux faire alors ?

- Je crois que ces trois années au bureau des plaintes m’ont permis de découvrir que mener des enquêtes, aider les gens était important pour moi, explique-t-il en retenant sa respiration. Alors je vais m’inscrire à l’école de police.

- Waouh ! s’exclame sa copine. Mic, c’est super !

- Tu trouves ? demande-t-il, inquiet de savoir comment Nina réagirait.

- Bien sûr ! Tes connaissances en droit te seront utiles. Je suis persuadée que tu feras un très bon flic.

- Meilleur que Hippopo ?

Nina se penche par-dessus le comptoir pour embrasser Michaël.

- Et alors, qu’est-ce que tu voulais me dire ? relance celui-ci.

Tandis que la jeune femme se recompose, l’ambiance dans le pub-lounge s’anime tout à coup.

L’attention des clients se tourne vers la cour intérieure de l’Union. À travers la porte-fenêtre ouverte, Michaël voit un attroupement de personnes. Quelques secondes plus tard, les sirènes des pompiers commencent à résonner au loin.

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Michaël et Nina suivent les étudiants qui ont laissé leur travail pour une pause curieuse à l’extérieur. Un groupe de badauds s’est formé sur la pelouse verte et les regards, de même que les smartphones, sont levés vers le ciel. Ou plutôt vers les fenêtres du quatrième étage…

Le long des briques rouge orange de la façade pendent deux jambes affolées, cherchant désespérément une accroche.

- Qu’est-ce qui se passe ? demande Nina.

- Je crois que cette fille a voulu faire le window challenge, mais a dû oublier qu’elle était au quatrième…

- Oh mon dieu ! s’exclame Nina, alors que l’inconnue se tient à bout de bras au rebord en métal.

Des têtes consternées apparaissent aux autres fenêtres de l’Union, tandis qu’une équipe de premiers secours entre dans le bâtiment. Deux de leurs collègues se tiennent en-dessous et tentent de rassurer la victime.

- Freiss avait raison, déclare Michaël. Ça devait mal tourner cette histoire de défi. Il faut qu’on fasse quelque chose.

- Mais quoi ?

Pour la première fois depuis longtemps, Nina se sent à court d’idées.

- T’as pas suivi un séminaire sur les effets psychologiques de je-sais-pas-quoi et qui pourrait nous aider ?

Pendant que Nina réfléchit, les équipes de secours récupèrent l’étudiante accrochée tel un fanion à la fenêtre, sous les applaudissements du public improvisé.

- Je sais ! s’exclame alors Nina. Normalement, la meilleure solution aurait été d’attendre que l’effet de mode se tasse. Avec le temps, l’attrait diminue. Comme on n’a pas de temps, il y a peut-être deux autres options. Première possibilité : rendre le challenge complètement ringard.

Michaël hoche la tête avec attention.

- Deuxième option : proposer un nouveau challenge qui prenne le pas sur l’actuel. Quelque chose de plus positif et moins dangereux.

Alors que la victime est emmenée sur un brancard en direction de l’ambulance stationnée devant l’Université, la foule se disperse.

- Je crois qu’on devrait tenter les deux, suggère Michaël.

- Parfait ! Toi, tu cherches un nouveau challenge à lancer. De mon côté, j’ai une idée de la façon dont on va ringardiser ce défi.

Nina jette un coup d’œil à sa montre, puis s’élance en direction de l’aile administrative de l’Union.

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FIN DE LA PARTIE 1

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Adieux (partie 2)

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Nina frappe trois coups à la porte du bureau du doyen et trépigne d’impatience. Elle prie pour qu’il ne soit pas encore parti. Le poste de travail de sa secrétaire est vide, mais elle perçoit du mouvement de l’autre côté de la cloison. Au bout de ce qui parait être de longues secondes d’attente, Freiss apparait.

- Mademoiselle Dalambert ? articule-t-il, surpris. Ne me dites pas que vous êtes aussi venue m’apporter votre démission ?

- Quoi ? s’étonne Nina. Pourquoi ?

Freiss ne peut pas être au courant pour la lettre, se rassure Nina. Elle n’en a parlé à personne.

- Vos deux collègues m’ont informé cette semaine qu’ils partaient l’année prochaine.

Michaël n’a pas attendu, pense Nina.  Il venait de lui annoncer son envie de suivre une formation dans la police. Et Simon ? Il doit sûrement chercher un travail à temps plein en tant qu’informaticien.

Freiss fait signe à Nina d’entrer dans son bureau :

- J’étais justement en train de préparer un e-mail pour mademoiselle Capt. Elle s’est inscrite en section artistique pour la rentrée. Je me suis dit qu’elle serait peut-être intéressée à reprendre son poste. Au moins, elle connait déjà les rouages du système.

- Oui, en effet, dit Nina, pensive.

- Alors, que puis-je faire pour vous ? demande-t-il, tout en s’asseyant dans son fauteuil. Est-ce que ça concerne le « challenge » ? J’ai assisté à l’incident qui s’est produit tout à l’heure… Il faut absolument que cela cesse.

- Justement. C’est à propos de ça que je suis là. On a une idée, mais on a besoin de votre aide.

Freiss se penche en avant, tout ouïe.

 

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La main sur le ventre, Simon et Michaël sont pliés par un fou rire au milieu du séjour de l’appartement. Deux paires de tongs en plastique gisent à terre autour d’eux.

- Oh mon dieu, gémit son frère. J’en peux plus. J’ai pas ri comme ça depuis trop longtemps.

- Ton meilleur colocataire te manque ? le taquine Michaël.

Ils se redressent, tandis que Nina traverse la pièce pour aller se servir un verre d’eau dans la cuisine :

- Qu’est-ce qui vous met dans cet état ? questionne la jeune femme.

- On est en train de tester les challenges que Mic a imaginé lancer sur les réseaux sociaux.

- Attends, ne lui raconte pas. On va lui montrer, intervient son ami.

Michaël place alors une tong au bout de son pied droit et fixe Nina :

- Prête ?

Celle-ci le dévisage, les sourcils interrogateurs. Son copain fait alors valser la sandale dans l’air et se déplace furtivement pour la rattraper sur sa touffe de cheveux blonde.

- Tada ! exulte-t-il.

Simon pouffe à nouveau et tombe en arrière sur le canapé.

- Impressionnant, ironise Nina. Il t’a fallu combien d’heures pour y arriver ?

- Plusieurs années, comme attaquant dans le club de foot de mon quartier.

- Et vous pensez que c’est assez fort pour remplacer le window challenge ?

Michaël hausse les épaules.

- C’est le meilleur des trois qu’on a testés, confirme Simon.

- Ouais, t’as pas vu les autres, rigole Michaël, la tong toujours en équilibre sur la tête.

- Non, rétorque Nina. Mais je suppose que ça a un lien avec l’énorme flaque d’eau qui inonde la cuisine ?

Les deux garçons se retiennent pour ne pas exploser de rire à nouveau.

- Je peux te le montrer, offre généreusement Simon. Tu prends une gorgée d’eau dans la bouche et tu l’expulses en l’air le plus haut possible. Et faut rattraper un max d’eau qui retombe dans ta bouche…

- OK, OK, j’ai compris le principe, le coupe sa sœur.

Simon sort son smartphone de sa poche :

- Bon, on filme tout ça ?

Nina espère s’éclipser, mais son frère l’interpelle :

- Au fait, sister, Mic m’a dit que tu avais réussi à convaincre Freiss hier soir ?

- Oui, j’y suis allée au culot.

- Fais voir !

Nina sort à son tour son téléphone et ouvre une vidéo.

Sur l’écran, Simon reconnait le bureau du doyen. Ce dernier se tient debout, face à la caméra et murmure :

- Vous êtes sûre que c’est la seule solution ?

On entend la voix sereine de Nina derrière l’appareil :

- Faites-nous confiance.

Ensuite, Freiss ouvre la fenêtre qui donne sur l’orée de la forêt. Il place une chaise sous le rebord et grimpe dessus.

- Pour la bonne cause, l’entend-on marmonner.

Il saute à travers l’ouverture, retombe de l’autre côté et effectue une petite courbette en guise de salutation.

- C’est complètement nul, commente Simon.

- Justement, c’est le but ! s’exclame Nina. Je vais la poster ce soir et j’espère que ça rendra le complètement ringard.

- Ensuite, on enchaine avec le tong challenge ! s’enthousiasme Michaël qui se prépare à nouveau, cette fois sous la supervision de son ami caméraman.

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Nina abandonne les garçons pour le calme de sa chambre, bien qu’elle les entende encore pouffer dans le salon.

La jeune femme fait un peu d’ordre dans ses affaires. Ses examens sont terminés et commence la longue attente des résultats. En ouvrant le tiroir de son bureau, elle tombe sur la lettre qu’elle avait laissée de côté jusqu’à maintenant. Peut-être que le moment est venu de parler à Simon et Michaël, pense-t-elle. Elle a déjà attendu trop longtemps.

Saisissant le courrier, elle retrouve les garçons, affalés sur le canapé. Nina se plante devant eux et à sa mine embêtée, Simon et Michaël comprennent que quelque chose ne va pas :

- Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiète en premier son frère.

Nina pose l’enveloppe sur la table basse.

- Qu’est-ce que c’est ? interroge Michaël, en regardant le contenu de celle-ci.

Nina s’assoit à côté d’eux.

- C'est avec un immense plaisir que nous vous annonçons que votre candidature pour le stage dans le service psychologique de l'hôpital Bonnaventure a été retenue..., lit le jeune homme.

- Nina ! C’est super, bravo ! coupe Simon.

- Tu m’avais pas dit que t’avais postulé pour un stage ? s’étonne son copain.

- C’est parce que j’avais complètement zappé… gémit Nina. J’ai envoyé mon dossier il y a plus de six mois !

- Et tu n’as plus envie de le faire ? demande Simon.

La jeune femme se frotte le front et replie ses jambes sous son menton, avant de répondre :

- C’est surtout que je suis censée commencer le mois prochain…

- Mais c’est parfait ! Ça te laisse même quelques jours de vacances…

Michaël se penche en avant et questionne :

- Pour combien de temps ?

- Huit mois…, souffle Nina, sans oser croiser le regard de son copain.

Enthousiaste, Simon se lève et s’étire :

- Moi, je trouve que c’est une super occase, sister. Je comprends pas pourquoi t’as l’air tout inquiète.

Un silence parcourt le séjour, puis Nina annonce à mi-voix :

- C’est au Mali.

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Derrière les baies vitrées du bureau des plaintes de l’Université, la cour intérieure de l’Union se vide petit à petit. Plusieurs étudiants passent sous les arcades, chargés de valises et de sacs de voyage. Quelques-uns boivent une dernière bière à la terrasse du Croc’ avant de se souhaiter de bonnes vacances d’été. À l’étage où se trouvent les salles de classe, les rideaux sont déjà tirés aux fenêtres. Les notes rendues, les professeurs sont partis dans la foulée.

À l’intérieur, Simon, Nina et Michaël s’assurent de récupérer toutes leurs affaires. Ils vérifient chaque tiroir et chaque placard plus d’une fois.

- Tiens, Simon, ce dossier est à toi, dit Michaël.

- Tu peux le jeter.

Le jeune homme lance les papiers par terre au milieu de la pièce, sur la pile de déchets qui menace de s’effondrer.

L’ambiance vacille entre solennité et nostalgie.

- Waouh, ce formulaire date d’il y a trois ans, s’étonne Nina, en triant le contenu d’une armoire. Une de nos toutes premières affaires ensemble.

Simon s’approche pour constater la chose :

- Tu peux le jeter aussi, j’ai tout numérisé.

Nina récupère encore des stylos et ses deux tasses à café préférées.

- Je crois qu’on y est, déclare-t-elle.

Michaël s’installe en travers du sofa et contemple la pièce familière et dépersonnalisée. Il repense à tout ce qu’ils ont vécu entre ces quatre murs. Sans aucun doute, certains de ses meilleurs souvenirs universitaires. Ceux qui lui avaient donné envie de s’inscrire à l’académie de police.

Simon pose un carton de déménagement sur la table basse :

- Je pensais pas qu’on partirait tous en même temps… soupire-t-il.

Il avait toujours cru qu’il serait le premier à quitter le navire.

Grâce à son excellent entretien d’embauche, il vient de signer un contrat pour un poste d’informaticien dans une start-up. Le jeune homme est partagé entre le stress de quitter un confort qu’il connait et l’excitation de débuter une nouvelle aventure.

- Zoé a intérêt à assurer l’année prochaine, grince Nina. La réputation du BPU est entre ses mains maintenant. J’arrive pas à y croire…

- Le bureau des plaintes était là bien avant nous, rappelle son frère. Il nous survivra.

Un silence réflexif suit sa remarque.

Leurs diplômes en poche, les trois amis s’apprêtent à rendre leurs clés et à se libérer de leurs responsabilités.

- Bon, je dois finir de préparer mes valises, annonce Nina, qui se dirige vers la porte.

La jeune femme part le lendemain pour l’aéroport. Son vol est à midi.

Elle a longtemps hésité à accepter cette place de stage dans le service psy d’un hôpital à l’autre bout du monde. Nina n’est pas certaine d’être prête à quitter ses proches et son quotidien pendant huit mois. Toutefois, Simon et Michaël l’ont encouragée à saisir cette belle opportunité de mettre en pratique ce qu’elle a étudié pendant trois ans. Ce serait une expérience professionnelle et une aventure personnelle incroyables. Alors elle a suivi leurs recommandations et accepté le poste. Le temps passerait vite et ils resteraient en contact régulier.

- T’as le temps de boire un dernier verre au Croc’ ? questionne Michaël, qui a également donné sa démission au pub-lounge.

- Bien sûr. Et pour une fois, c’est moi qui offre !

Un carton sous le bras, les trois amis éteignent les lumières du bureau des plaintes et verrouillent la porte une dernière fois.

Dans la lumière du coucher de soleil bleuté, les ombres glissent lentement du lustre central aux bibliothèques de la mezzanine, puis le long de l’escalier en colimaçon, jusqu’à la kitchenette et par-dessus les quatre bureaux vides qui attendront tout l’été leurs nouveaux occupants.

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FIN DE LA SAISON 3... ET DE LA SÉRIE !

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