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Saison 2 - Épisode 10

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Cendrillon disparait (partie 1)

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Nina Dalambert rétracte la pointe de son stylo bille, relit une dernière fois ses réponses et rassemble les feuilles qu’elle pince d’un trombone. Un mince filet d’air chaud traverse la pièce et prétend rafraichir la cinquantaine d’étudiants concentrés sur leurs pupitres. Nina regarde alentour : tous sont encore assidûment au travail. Elle vérifie qu’elle n’a pas manqué le verso d’une page ou laissé tomber une fiche par terre, mais non. Pour une fois, la jeune femme va être la première à rendre sa copie d’examen. Nina récupère ses affaires et s’élance dans la rangée de tables jusqu’à son professeur de sociologie à qui elle tend fièrement le feuillet à son nom. Ça y est, elle se sent plus légère. L’étudiante quitte l’auditoire avec le sourire aux lèvres : elle a terminé son année.

L’horloge de son smartphone lui indique que Simon est sûrement encore sur son épreuve, toutefois elle lui laisse un message l’invitant à la rejoindre au Croc’ pour fêter ça, quand il sera sorti. Le pub-lounge est comme à son habitude bien rempli en cette période de fin d’année académique. Nina s’approche du bar et consulte l’ardoise accrochée au-dessus, sur laquelle figurent les boissons de saison : limonades, milkshakes, cocktails, etc.

- Salut Nina, t’es déjà là ?

Derrière le comptoir, Michaël Fassnacht est en train de découper des citrons en quartiers.

- Oui, ça y est ! Je suis officiellement en vacances ! s’exclame-t-elle. Et toi ? Je savais pas que tu travaillais les après-midis ?

- Ouais, depuis que le bureau des plaintes a fermé, j’ai élargi mes horaires. Comme ça, j’arrive à mettre de l’argent de côté et je pourrai partir en vacances cet été !

Depuis la prise d’otage et le décès de la responsable Georgina Rose, l’Université avait décidé de ne pas rouvrir le service du bureau des plaintes aux étudiants. Il ne restait de toute manière qu’une poignée de semaines avant la fermeture estivale. Trouver un remplaçant à Georgina Rose dans un si court délai aurait été impossible. La tâche avait donc été repoussée à la rentrée suivante.

- Qu’est-ce que je te sers ? demande Michaël.

- Un thé froid maison, s’il te plait.

- Rien de plus sexy ? s’étonne le barman.

- Hé, il n’est que quinze heures ! La journée est encore longue…

Une place se libère au comptoir et Nina s’y installe en attendant son frère. Michaël glisse une rondelle de citron et quelques glaçons dans le verre de thé glacé qu’il lui tend.

- T’en es où avec tes examens ? interroge Nina.

- Il me reste encore une épreuve orale cette semaine, c’est tout.

- T’as pas l’air trop stressé.

- Nan, comparé à la pression que j’avais en première, cette année ressemble à une partie de plaisir.

Nina lève son verre à la remarque du jeune homme.

- Tu vas aller au bal de fin d’année ? questionne Michaël.

- J’en sais rien… C’est pas trop mon truc…

- Quel truc ? T’amuser ? se moque Michaël.

- Ah, ah… raille Nina.

Le bal de fin d’année était une tradition de l’Université qui avait lieu tous les deux ans. C’était une soirée assez protocolaire où étudiants, professeurs et employés étaient invités. Il fallait se mettre sur son trente-et-un, boire dans des coupes à champagne et déguster des amuse-gueule du bout des doigts. Tout ce que Nina détestait.

Après les récents événements tragiques, la Faculté avait suggéré d’annuler le bal cette fois-ci, mais les comités estudiantins s’étaient fortement opposés à cela. Ils prétendaient que tout le monde avait justement besoin de se changer les idées. Et là-dessus, Nina était d’accord.

- Peut-être que j’y serai… répond-elle, évasive.

- Alors peut-être qu’on s’y croisera…

Tandis que Michaël s’éloigne pour servir deux milkshakes à la fraise, Simon entre dans le Croc’ et repère tout de suite sa sœur, assise sur le tabouret haut du bar.

- Salut sister, dit-il dans un soupir, avant de s’accouder au comptoir. J’ai cru que cet examen ne finirait jamais.

- C’était difficile ?

- Probablement le plus dur de la session. J’ai juste eu le temps de répondre à toutes les questions.

- Je suis sûre que tu as cartonné, comme toujours, rassure Nina qui sait que son frère a l’habitude de dévaloriser ses compétences et qu’il finit presque toujours avec les meilleures moyennes de sa classe.

Nina commande trois cocktails ananas-fruit de la passion à Michaël.

- Pourquoi trois ? s’étonne Simon.

- Bah, il y en a un pour Mic.

Simon est heureux de voir que son colocataire et sa sœur s’entendent mieux depuis quelques semaines. Nina est beaucoup plus détendue et Michaël sourit à nouveau.

- Maintenant que nos esprits ne sont plus accaparés par les révisions, on devrait se mettre à fond sur l’affaire qu’il nous reste à traiter pour le bureau des plaintes, annonce Nina avec sérieux.

En effet, ils s’étaient promis de se pencher sur le cas de Gladys, qui restait non élucidé. Avant de prendre en otage le campus, l’étudiante avait déclaré s’être fait droguer à une soirée et séquestrer dans une cave. Elle avait raconté son histoire à la police et à la Faculté, mais celles-ci s’étaient montrées incapables de prendre au sérieux la jeune femme et de résoudre l’enquête. La colère et le sentiment d’impuissance de Gladys l’avaient alors poussée à commettre l’irréparable. Cette affaire était toute désignée pour le bureau des plaintes, et Nina, Simon et Michaël se devaient de la mener à bout afin que Georgina Rose ne soit pas morte en vain.

- Est-ce que ça peut attendre la semaine prochaine ? geint Simon, épuisé par sa fin de semestre.

- On a déjà trop attendu, rétorque Nina. Plus on attend, plus la piste se refroidit. Et ensuite, tout le monde sera en vacances et…

- Ok, ok, coupe Simon, que le discours de sa sœur fatigue encore plus. J’imagine que tu as déjà réfléchi et que tu sais par où on va commencer ?

Les regards se tournent vers Nina.

- En fait… pas du tout, répond-elle dépitée. Mais je pense qu’il faut qu’on reprenne les choses depuis le début : Gladys a dit s’être fait droguer à une soirée d’étudiants.

- Donc il faut qu’on trouve une fête d’étudiants, en conclut Simon.

- Ça tombe bien, intervient Michaël, il y en a justement une ce week-end après le bal de fin d’année.

- Et moi qui espérais passer une fin de semaine tranquille à me reposer…

 

*

 

La cour intérieure de l’Union avait été réquisitionnée pour accueillir le bal de fin d’année. Des toiles de tente et des guirlandes fendaient le ciel azur des quatre coins du carré de pelouse et se rejoignaient en un point central, au-dessus de la statue de John et Elsa Cameron. On avait installé le bar sur la terrasse du Croc’, vidée pour l’occasion. Le buffet quant à lui occupait une bonne partie de l’espace sous la galerie couverte, où l’on avait aussi disposé quelques tables rondes à nappes blanches décorées de photophores en leurs centres.

Nina Dalambert arrive au bal accompagnée d’un groupe de filles de sa résidence auquel elle s’était jointe en route. Elle a revêtu une légère robe d’été dans les tons mauves qui lui arrive jusqu’aux chevilles, et a noué ses cheveux châtains en chignon sur sa nuque. Rapidement, elle abandonne ses colocataires pour retrouver Simon, Michaël et Chris de l’autre côté de la piste de danse. Les garçons semblent s’être dirigés comme des automates vers les portes-fenêtres du bureau des plaintes où les rideaux restent impassiblement tirés. Ils sont tous les trois habillés de pantalons de costumes foncés et de chemises, blanche pour Simon, à petites fleurs pour Chris et bleu clair pour Michaël.

- Et toi, Nina, tu penses que le bureau va rouvrir à la rentrée ? questionne Chris après avoir salué la jeune femme.

- Oui, dès qu’ils auront trouvé un nouveau responsable, j’imagine.

- Qui va vouloir reprendre ce poste sachant que ses deux prédécesseurs ont été, soit forcé de démissionner, soit tué dans une fusillade ? raille Michaël.

- Le bureau des plaintes est un service indispensable aux étudiants de l’Université, relance Nina. Et nous allons le prouver une fois de plus en résolvant l’affaire de Gladys, que ni la police ni la Faculté n’a pu élucider.

Tous acquiescent en silence, puis Michaël explique :

- Ouais, donc comme je vous ai dit, il y a une after dès la fin du bal dans le bois derrière la salle de sport. Beaucoup d’étudiants ont prévu de se pointer. J’espère que vous avez pris votre dose de caféine parce qu’on va être de piquet toute la nuit.

- D’ailleurs, je pense que nous devrions commencer dès maintenant à repérer le moindre signe d’activité suspecte, suggère Nina. On n’a qu’à se séparer : Simon et Chris, vous vous postez près du buffet, Michaël, tu prends le côté opposé vers les toilettes, et moi, je me tiendrai au bar.

- Hein ? s’étonne Michaël. Ce serait mieux que je prenne le bar et toi, les toilettes.

- Pourquoi ça ? réplique Nina.

- Parce qu’en tant que barman, je suis plus qualifié que toi.

Nina plisse des yeux suspects en direction du jeune homme :

- Mais si quelqu’un a mis de la drogue dans la boisson de Gladys, on aura plus de chance de le coincer avec moi comme appât.

Les deux étudiants se tournent vers Simon pour qu’il tranche en leur faveur, mais celui-ci lève les épaules.

- Bon, je vais me chercher quelque chose à boire, décide Nina, en partant vers le Croc’.

Simon et Chris se dirigent vers le buffet et Michaël n’a d’autre choix que de partir explorer la galerie opposée.

Nina commande une sangria et observe la foule se mouvoir sur la piste de danse au son d’un orchestre placé sur une estrade devant la bibliothèque. Elle repère quelques visages connus, mais son attention reste discrètement focalisée sur le bar. Comme l’événement est organisé par l’Université, le service est effectué par des professionnels et Nina réalise qu’il y a peu de chances que quelqu’un puisse introduire une drogue dans les boissons qui passent directement des mains du barman à celles des consommateurs.

La jeune femme laisse filer son regard du côté du buffet où Simon et Chris sont en train de se raconter des messes basses au creux de l’oreille. Puis, elle cherche la silhouette de Michaël près des toilettes, mais elle ne l’aperçoit pas. Ses yeux scannent la piste de danse ; peut-être s’est-il laissé séduire par une fille de ce côté-là ? Non. Les faibles lumières de la cour intérieure ne lui renvoient pas les traits de son ami.

Soudain, son cœur fait un bond. Quelqu’un s’est approché d’elle et lui touche l’épaule :

- Pas très active ta surveillance du bar… se moque Michaël, enfournant un petit four dans sa bouche.

- Au moins, je n’ai pas déserté mon poste, moi.

- Canapé aux légumes ? offre Michaël qui lui tend une biscotte surmontée de crudités.

- C’est à quoi ?

- Aucune idée.

- Alors non merci.

L’amuse-gueule disparait dans le gosier du jeune homme.

- Oh Nina, tu veux pas un peu profiter de cette soirée aussi ? On est en vacances ! Allez, viens, on va danser.

Michaël pousse Nina vers la piste, mais celle-ci rechigne :

- Mais qui va surveiller le bar ?

- On n’a qu’à le surveiller de loin. Ce sera plus discret si tu fais semblant de participer au bal.

Légèrement à contre-cœur, Nina se laisse entrainer près de l’orchestre. Le quatuor enchaine avec une mélodie un peu jazzy.

Michaël tend sa main à Nina. Va-t-elle refuser qu’il la prenne dans ses bras après tout ce qui s’est passé cette année ? La jeune femme fait la moue mais accepte tout de même l’avance de son ami et glisse son bras derrière sa nuque. Leurs pieds se rapprochent et, sans geste brusque, Michaël frôle le dos de Nina. Une vague de chaleur monte jusqu’à son front.

Nina ne peut s’empêcher de penser que la dernière fois où ils se sont retrouvés dans cette position, Michaël avait les mains accrochées à sa gorge. Toutefois, elle chasse ce souvenir de son esprit et essaie de saisir le moment présent : les basses de la musique qui font vibrer sa poitrine, l’alcool de la sangria en train de lui monter à la tête et le parfum poivré au creux du cou de Michaël. Pourquoi l’a-t-il invitée à danser ? Essaie-t-il toujours de se faire pardonner ou avait-il simplement envie de se rapprocher d’elle ?

- J’ignorais que Michaël Fassnacht était un si bon danseur, plaisante-t-elle.

- Une des rares choses que ma mère m’a apprises, souffle-t-il en retour.

À quelques mètres d’eux, Nina repère Simon et Chris, qui ont également quitté leur poste d’observation pour se blottir dans les bras l’un de l’autre.

- Nina ? se lance Michaël. J’aimerais qu’on recommence à zéro, toi et moi. Tu penses que c’est possible ?

Nina réfléchit profondément à la question avant de répondre :

- Comment ça ?

- Je sais pas… Imagine qu’on ne soit pas collègues et que je ne sois pas le coloc de ton frère. Imagine qu’on se soit rencontrés ce soir au bal et que je t’aie invité à danser.

- Qu’est-ce qui se passerait ensuite ?

Michaël hésite ; il sait que dans le passé, il l’aurait sûrement charmée jusqu’à obtenir un baiser et plus à la fin de la soirée. Mais il n’est plus le même aujourd’hui. Il ne veut pas être ce Michaël-là avec Nina :

- Imaginons que je t’invite à dîner dans un vrai restaurant, est-ce que t’accepterais ?

- Tu sais que je refuse rarement une occasion de bien manger, rétorque Nina.

Michaël sourit :

- Imaginons que je ne le savais pas et disons demain soir, à 19h au Cardero ?

- Avec plaisir, dit Nina qui pour la première fois depuis longtemps soutient le regard de Michaël pendant plus de deux secondes.

Une musique entrainante lancée par le pianiste vient briser ce moment de complicité. Les deux amis optent pour faire une pause au buffet.

 

*

 

Au bout de deux heures, il ne reste dans la cour intérieure de l’Union que les professeurs et employés de l’Université. La plupart des étudiants ont déjà quitté le bal pour continuer la fête plus librement de l’autre côté du campus. Nina, Simon, Michaël et Chris décident de faire de même. Tous les quatre longent le terrain de sport jusqu’à la forêt avoisinante.

Ils prennent le pont de bois au-dessus de l’étang pour rejoindre une clairière où certains ont allumé un brasero. Ici, pas d’orchestre ni de petits fours, c’est plutôt cris effrénés et alcool à même la bouteille. Les quatre amis se postent en retrait et gardent les yeux grand ouverts.

- On devrait se séparer en deux équipes pour couvrir plus de terrain, propose Simon. Chris et moi allons là-bas et vous restez ici, ok ? Gardez votre téléphone à portée de main et on se contacte si on remarque quoi que ce soit.

Plusieurs petits groupes se sont formés à gauche, à droite, certains dissimulés par l’obscurité du bois qui rend difficile l’identification des visages et la surveillance des gestes.

Nina repère un étudiant qui, caché dans l’ombre de sa casquette de baseball bleue, n’arrête pas de les fixer. Elle le signale à Michaël d’un petit coup de coude dans son bras gauche.

- Et merde, jure son collègue qui voit ledit étudiant s’approcher d’eux.

- Michaël Fassnacht ! s’exclame le garçon. Ça fait un bail !

- Salut Dim, répond Michaël, avec un peu moins d’enthousiasme.

- Je pensais que t’étais mort mec ! Qu’est-ce que tu deviens ?

- Rien de spécial…

- Ah, il parait que Dragon a refait la déco à ton boulot ? Désolé mec.

- Ouais, c’est comme ça, élude Michaël.

- Bon, je peux t’offrir quelque chose pour t’amuser ce soir ? C’est gratuit pour un vieil ami comme toi.

Michaël hésite.

- Qu’est-ce que tu as exactement ? questionne alors Nina. Si on voulait par exemple une drogue qui nous mette K.O., t’aurais ça sous la main ?

- C’est qui, ta copine ? demande sévèrement Dim sans regarder Nina.

- Personne, répond Michaël du tac au tac, en tirant Nina à l’écart.

Mais l’attention de Dim est maintenant tournée vers la jeune femme, ce qui la met dans une gêne peu habituelle.

- Alors tu veux rien ? relance le dealer.

- Non merci… glisse Nina qui intime à Michaël de laisser tomber.

- Ok, juste un peu d’herbe, merci, dit finalement Michaël.

Dim sort un petit sachet de la sacoche qu’il a à la taille et le tend à Michaël.

- Passez une bonne soirée, susurre-t-il, avant de retourner près du feu.

Michaël ouvre le sachet et répand son contenu dans le creux de sa main.

- Qu’est-ce que tu fais ? s’inquiète Nina.

- Il fallait que j’accepte sa proposition, pour éviter les soupçons, explique Michaël qui laisse tomber l’herbe par terre.

Nina saisit les doigts maintenant vides de son ami et les presse :

- Continuons notre inspection.

Pendant les heures qui suivent, Nina, Michaël, Simon et Chris parcourent la clairière et ses environs, sans relever d’événement suspect, si ce n’est quelques étudiants trop avinés qui finissent tête la première dans les buissons.

À l’aube, Nina décide de rentrer se coucher, déçue de ne pas avoir fait avancer leur enquête.

- Je peux te raccompagner ? propose Michaël.

- C’est gentil, mais je vais demander à Simon.

- Ok, alors je reste encore un peu. On ne sait jamais. Repose-toi bien et n’oublie pas notre rencard ce soir, ajoute-t-il avec un clin d’œil.

Nina n’ose pas rétorquer qu’elle ne manquerait ça pour rien au monde, à part pour son lit, là, tout de suite.

 

*

 

Michaël est légèrement en avance à leur rendez-vous et, après avoir attendu quelques minutes devant le Cardero, il décide de s’installer à la table que le serveur lui indique, celle réservée sous la tonnelle de la terrasse. Il fait encore chaud en cette soirée de juin et le jeune homme commande tout de suite une bière blonde. Les chaises se remplissent petit à petit autour de lui : principalement des couples et une grande tablée réunissant au moins trois générations. Le serveur a déposé le menu sur le coin de la table, alors Michaël y jette un œil ; les classiques pizzas le tentent bien ou peut-être le tartare de saumon ou le steak frites.

Il n’a toujours pas choisi lorsque le serveur lui apporte sa deuxième bière. Il est 19h26 et toujours pas de Nina à l’horizon. Il consulte son téléphone, mais rien non plus de ce côté-là. À quel moment doit-il s’inquiéter et lui écrire un message ? Est-elle simplement très en retard ou a-t-elle carrément oublié leur rencard ? S’est-elle trompée d’heure ? S’est-il trompé d’heure ? Ou pire, peut-être Nina a-t-elle changé d’avis et décidé que ce n’était pas une si bonne idée ? Toutes ces questions lui pourrissent l’esprit tandis qu’il descend sa seconde pinte. Ses pupilles font des va-et-vient entre l’entrée de la terrasse et l’écran de son smartphone. Avait-il sérieusement cru que l’inviter au restaurant suffirait à faire table rase du passé ? Il avait été bien naïf de penser qu’elle viendrait. Bon, imaginons que son rendez-vous ne soit pas avec Nina et que la fille lui pose un lapin, que ferait-il dans ce cas-là ?

Michaël termine son verre et appelle le serveur pour payer ses consommations. Il est 19h41. L’attente et la bière lui ont coupé l’appétit.

 

*

 

Simon et Chris sont en train de diner dans la salle à manger, lorsque Michaël rentre à l’appartement.

- T’es déjà là ? s’étonne Simon. Je croyais que tu allais au resto avec Nina.

Michaël hausse les épaules et sort un paquet de chips entamé de l’armoire, dans lequel il plonge la main.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? demande Chris.

- J’en sais rien. Elle n’est jamais venue.

- T’as essayé de l’appeler ? relance Simon.

La bouche pleine, Michaël secoue la tête.

Simon part chercher son téléphone qu’il a laissé dans la cuisine et compose le numéro de sa sœur :

- Je tombe sur sa boîte vocale… Bizarre…

- Tu lui as parlé aujourd’hui ? s’enquiert Chris.

- Non.

- Mais vous l’avez raccompagnée ce matin après la fête, n’est-ce pas ? objecte Michaël.

Simon et Chris se consultent du regard, puis Simon répond :

- Non, on pensait qu’elle était rentrée avec toi.

Michaël essaie à son tour d’appeler Nina, tandis que Simon et Chris enfilent leurs chaussures et ferment l’appartement à clé.

- Elle est injoignable, confirme Michaël, quand ils arrivent dans le hall de la résidence Elsa Cameron.

Ils montent les trois étages au pas de course et tambourinent à la porte de la chambre trente-deux.

- Nina ! crie Simon. T’es là ? Ouvre-nous !

Il place son oreille contre le bois et déclare :

- Il n’y a personne.

- Hé Teresa ! s’exclame alors Michaël, à l’attention de la fille qui sort de la salle de bain commune.

L’étudiante au crâne rasé qu’ils avaient aidée quelques mois plus tôt se fige sur le palier.

- Est-ce que tu sais où est Nina ? Est-ce que tu l’as vue aujourd’hui ?

- Nan. Je l’ai pas croisée, désolée.

- Ne paniquons pas, suggère Chris. Elle est peut-être avec une amie ou à la salle de sport et son téléphone n’a plus de batterie.

Mais Simon et Michaël, qui connaissent bien la jeune femme, sont persuadés que quelque chose ne tourne pas rond. Pour eux, ça ne fait pas de doute : Nina a disparu.

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